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Des Vacances, malgré tout

Synopsis

Immigré dans la région parisienne depuis 1964, Kader décide de passer avec sa famille, les vacances d’été dans son village natal, non loin d’Alger.
Ces quelques semaines tant attendues de part et d’autre constituent un moment privilégié riche d’émotions fortes.

Thèmes : Emigration , Société maghrebine

Réalisateur(s) : Bensmaïl, Malek

Pays de production : Algérie

Type : Long métrage

Genre : Documentaire

Edition du festival : Maghreb des films novembre 2010

Année  2001 / 70’

Scénario Malek Bensmaïl

Son Amar Kabouche

Montage Matthieu Bretaud

Musique Phil Marboeuf

Production INA.

Avec la famille Kabouche.


Disponible en DVD dans le coffret des principaux films de Malek Bensmaïl

Lors de l’édition 2010 du Maghreb des films, un hommage spécial a été rendu à Malek Bensmaïl en projetant l’intégralité de ses films.

Des Vacances malgré tout (2000 / 1h08), Dêmokratia (Fiction / 2001 / 17’), Aliénations (2004 / 1h45), Le Grand Jeu (2005 / 1h29), La Chine est encore loin (2008 / 1h58), Conversation entre Malek Bensmaïl et Jean -Philippe Tessé (2011 /37’)

Téléchargez le flyer de présentation du coffret

Commentaires de Marion Pasquier
La famille Kabouche a immigré en banlieue parisienne en 1964. Elle décide un jour de passer des vacances dans le village natal du père (Kader), près d’Alger, où elle n’est pas revenue depuis 16 ans. Malek Bensmaïl suit les Kabouche. Il semble familiarisé avec eux (on l’apostrophe parfois) mais il n’intervient pas. Il les approche avec la discrétion que lui permet sa caméra DV, et s’applique à capter les réactions provoquées par leur (re) découverte de l’Algérie. Après les préparatifs à Paris, sources de tensions et d’angoisses tant l’administration semble retorse, les Kabouche sont accueillis par la famille du frère de Kader, dans la maison que ce dernier fait construire depuis 25 ans.

Parents et enfants Kabouche ne réagissent pas de la même façon à leur immersion dans les mœurs algériennes. La fille n’en finit pas d’être choquée. Elle l’exprime avec colère et tente de faire prendre conscience à son oncle, sa tante et ses cousines, du caractère selon elle inepte de leur façon d’être. Tante et cousine lui rappellent les principes musulmans auxquels leur société ne déroge pas, sans que l’on sache trop si elles les désapprouvent, les acceptent, si elles sont résignées ou si elles n’ont même pas envie d’envisager une autre vie possible. L’oncle, lui, explique à sa nièce que sa façon de raisonner est un peu trop facile, parce qu’elle fait fi d’années d’inhibition que l’Algérie doit dépasser. Le témoignage de l’une des cousines, heureuse de pouvoir aller à la plage avec la fille Kabouche, nous marque. Avec un regard triste, elle confie qu’elle vit un « enfer », que même si elle est à peu près libre, ce qu’elle voit autour d’elle n’est pas comme elle voudrait. Les échanges et confessions auxquels nous assistons rendent prégnant le sentiment d’étouffement ressenti par les êtres à l’écran.

La posture de Kader fait apparaître le décalage entre immigrés de première et de deuxième génération. Plus indulgent que sa fille, s’il sait que la situation en Algérie est à mille lieux de ce que les gens espéraient après l’indépendance, il est content de revenir à ses racines, de retrouver la fraternité qui lui manque en France. Si la jeune Kabouche tente de faire changer les mentalités, le père met la stagnation de ces dernières sur le compte de la fatalité. Il n’en reste pas moins ouvert, appréciant que la jeune génération lui apporte le regard critique que son attachement au pays l’empêche d’avoir.

La mère Kabouche critique moins les mœurs musulmanes que les dirigeants du pays. La situation a empiré depuis son dernier séjour : les gens ont faim, tout coûte trop cher, il n’y a pas de travail, l’eau n’est parfois pas acheminée pendant des jours et des jours, les ordures ne sont pas ramassées... Quelle est cette vie au 21ème siècle ? demande t-elle. Si elle dénonce, elle ne se lamente pas, car elle savait plus ou moins à quoi s’attendre en revenant au pays. On devine qu’il en est de même de Malek Bensmaïl, et on apprécie que le film ne se présente pas comme une découverte scandalisée d’une situation misérable mais qu’il constate, sobrement et de l’intérieur, un état de fait.

Le moment le plus émouvant et le plus alarmant est peut-être cette discussion entre le fils Kabouche et des jeunes vivant en Algérie. Ils disent qu’ils ne peuvent pas penser, réfléchir, parce qu’ils ne peuvent pas parler ou que personne ne les écoute. L’État ne prend pas en charge son peuple, qu’il laisse errer sans repère, qui ne sait ni d’où il vient (on ne lui apprend pas son Histoire) ni où il va. Tout le monde a envie que les choses changent, mais personne ne veut passer devant, prendre les initiatives nécessaires. À la fois lucides et désespérés, ces jeunes lancent un appel au secours. Seul le retour régulier au pays des immigrés peut aider à faire bouger les choses. Les touristes ne viennent plus en Algérie, et ceux qui y vivent n’ont pas les moyens d’évoluer. La place intermédiaire de ceux qui sont partis mais acceptent de revenir serait bien la seule chance pour que quelque chose se passe.

Des vacances malgré tout dresse ainsi un constat des plus sombres sur l’Algérie des années 2000, tant au niveau des mentalités figées que de l’inaction de l’État. A l’inertie du pays semble répondre la vitalité de la famille Kabouche, dont le film dresse aussi un beau portrait. Un documentaire efficace, dans lequel Malek Bensmaïl élimine les temps morts et parvient à nous immerger au cœur d’un pays, d’une situation et de personnes.

Extrait de Critikat

A propos…
La caméra suit la famille dans leurs rencontres, leurs retrouvailles, leurs difficultés, leurs visions du pays et de sa région, les fêtes, les mariages, leur retour en France...
Ce film soulève beaucoup de questions. Au sein même de cette famille, entre ceux qui sont restés au pays et ceux qui ont émigré vers la France, comment perçoit-on la situation de l’Algérie ? Quels espoirs les uns et les autres nourrissent-ils pour leur pays ? Qu’en est-il de la relation franco-algérienne ? De l’immigration contemporaine ? De l’envie d’exil des Algériens aujourd’hui ? Des discours différents des deux côtés de la Méditerranée ? Des envies des uns et des autres...
Le phénomène d’immigration algérienne en France a commencé au XIXe siècle et s’est amplifié au cours de la Première Guerre Mondiale, en raison de la conscription obligatoire, puis de la Seconde Guerre. Il a repris entre 1950 et 1974, période d’industrialisation et d’importation de main-d’œuvre.
Selon le dernier recensement datant de 1990, 67% des immigrés algériens étaient des ouvriers qualifiés ; 7% travaillent dans le tertiaire, 6% dans le petit commerce et l’artisanat, 8% dans le secteur des affaires.
Aujourd’hui, avec les événements qui se déroulent en Algérie, une nouvelle immigration algérienne se met en place. Celle des exilés : cadres, médecins, artistes, intellectuels... Eux non plus n’hésitent pas à retourner dès que possible au pays.
Les images d’Algérie, répandues en France, apparaissent sombres. Les Algériens souffrent de cette perception qui ne correspond pas à leur réalité quotidienne. Les mots de l’étranger leur parviennent comme de nouvelles dépossessions d’identité. Ils veulent qu’on les regarde pour eux-mêmes. Ils veulent s’extraire de la haine.
La France est en décalage par rapport à ce qui se passe en Algérie. Mais il existe en France des groupes importants, porteurs "d’une mémoire algérienne" : pieds noirs, appelés du contingent, officiers de l’armée française, harkis, émigrés et fils d’émigrés, exilés algériens récents.