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Harkis...? Du 8 au 14 juin 2011

Maghreb des films spécial « Harkis », du 8 au 14 juin 2011, en partenariat avec l’association « Harkis et droits de l’Homme (AHDH) »

Les trois Luxembourg - 67 rue Monsieur-le-Prince à Paris

Qui sont les harkis ?

Pendant la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962, ils furent supplétifs de l’armée française. Aujourd’hui, en France, ils forment un groupe social qui comprend les anciens harkis et leurs familles. Dans la mémoire collective en France, le mot « harki » évoque la fin de la guerre d’Algérie avec l’abandon, les massacres, les camps en France, la révolte de leurs enfants et leur demande incessante pour la reconnaissance par l’État français de sa responsabilité dans l’abandon de leur père en 1962, qui a eu pour conséquence une tragédie, aujourd’hui bien connue.
À l’approche du 50e anniversaire de leur arrivée en France, le Maghreb des films, en partenariat avec l’AHDH, leur consacre une semaine de cinéma de fictions et de documentaires.
L’historienne Valérie Morin analyse la filmographie française actuelle, concernant notre sujet : « …il est possible de dégager plusieurs visions des harkis. Tout d’abord, celle de leur présence dans l’armée française. Comment et pourquoi les militaires les ont utilisés ? Quelles étaient leurs fonctions au sein de l’armée ? Quelle image véhiculent-ils ? Au regard des portraits de ces hommes, les réalisateurs ont visiblement cherché à présenter, à expliquer les motivations qui les avaient conduit dans le camp français. Il est à noter l’effort fait pour essayer de montrer la complexité des situations, pour sortir des clichés et des stéréotypes, pourtant fréquents sur cette population. En ce sens, ils font appels aux dernières recherches scientifiques sur ces hommes, notamment grâce aux derniers ouvrages ou colloques qui tentent de déconstruire les images d’un groupe trop longtemps vu comme uniforme et homogène. Néanmoins, l’image de ces hommes, brisés par la guerre mais aussi par leurs choix, est bien présente à travers tous les films. A chaque fois, l’inextricable situation dans laquelle ils se retrouvent est mise en avant, que ce soit pendant ou après la guerre… ».

Cette initiative cinématographique sans précédent contribuera-t-elle à changer certains regards réducteurs sur ce qu’est un « harki » ? Gageons qu’en en débattant tous les soirs pendant une semaine, nous arriverons à faire bouger, très modestement, le curseur !
Fatima Besnaci-Lancou, présidente de Harkis et droits de l’homme

Quand les Harkis investissent l’univers des images

Longtemps négligée par le monde des images, rarement évoquée par des témoignages littéraires, la question des Harkis a subitement connu au cours des années 2000 un intérêt croissant, et ce, aussi bien dans l’opinion publique que dans la création audiovisuelle.
Cette embellie n’est pas sans rapport avec la montée en puissance de l’association « Harkis et droits de l’homme » initiée par la personnalité pugnace et clairvoyante de Fatima Besnaci-Lancou, elle-même auteur de plusieurs ouvrages publiés.
Qu’il s’agisse de la fiction (L’Adieu ou Harkis), qu’il s’agisse du documentaire (le remarquable La Blessure, la tragédie des harkis, La Harka ou Les Jardiniers de la rue des Martyrs) on observe désormais une approche à la fois pertinente et diversifiée de la problématique « Harkis », en résonance avec une complexité de plus en plus analysée, d’autant que journalistes, documentaristes ou historiens sont de plus en plus nombreux à extraire de l’oubli et de l’occultation l’une des pages à la fois sombre et annexe d’une guerre d’Algérie qui, un demi-siècle après sa fin, continue à « travailler » en profondeur l’imaginaire collectif de la société française.
Mouloud Mimoun

Fatima Besnaci-Lancou et Mouloud Mimoun

La programmation

Chaque soir un film, fiction ou documentaire, et un débat (modérateurs des débats : Fatima Besnaci-Lancou et Mouloud Mimoun). Téléchargez le dépliant

Ouverture le mercredi 8 juin, à 20h45, avec La Blessure, la tragédie des harkis
de Isabelle Clarke et Daniel Costelle
France / 90’/ 2010

Débat : « Enrôlement des mineurs » & « Plusieurs raisons d’engagements »
en présence de Messaoud Kafi


C’est l’histoire encore brûlante des 200 000 harkis - "les supplétifs musulmans" - recrutés par l’armée française durant la guerre d’Algérie (1954-1962).
Pour quelles raisons ont-ils rejoint l’armée française ? Pourquoi plusieurs dizaines de milliers de harkis ont-ils été massacrés après l’indépendance de l’Algérie ? Pourquoi le gouvernement français les a-t-il désarmés et abandonnés ? Pourquoi seulement 50 000 à 60 000 ex-harkis ont-ils été rapatriés en France avec leur famille ? Pourquoi ont-ils été placés pour la plupart dans des camps de triste mémoire comme Rivesaltes, rendant leur intégration difficile ?

Extrait des débats

À l’ouverture du débat, Abderahmen Moumen a rappelé que l’utilisation de troupes supplétives n’est pas une création de la guerre d’Algérie ; ce principe existait dans l’empire ottoman. En France les zouaves étaient au départ des supplétifs. Il a par ailleurs indiqué que le terme « harki » était utilisé au Maroc dans les années 1920 pour désigner celui qui se rebellait contre l’autorité française.
La guerre d’Algérie entraîne un bouleversement de la société algérienne ; l’enjeu est d’avoir avec soi la population : celui qui a la population avec lui à gagner la guerre. Les principales raisons d’engagement sont les suivantes :
- Les raisons claniques : il s’agit de la décision du clan ; l’exemple le plus typique est la harka montée à l’initiative du fait du bachaga Boualem.
- Il pouvait s’agir d’éléments ralliés qui étaient auparavant maquisards et qui le plus souvent ont été fait prisonniers.
- Les raisons économiques.
- Les violences du FLN, par exemple l’assassinat d’un membre de la famille.
- Le forcing de l’armée française.

Question de la salle : il est fait mention dans le documentaire de très jeunes enrôlés. Comment cela est-il possible alors que la France avait ratifié les accords de Genève concernant l’enrôlement de mineurs comme soldat ?

Abderahmen Moumen : la question des enfants soldats est une question récurrente. Un exemple de cet enrôlement peut être vu dans le livre de Saïd Ferdi : jeune garçon, il faisait passer des messages pour le FLN, il est arrêté, se fait se torturer et on lui donne alors le choix : soit tu t’engages soit on tue des membres de ta famille.

Question de la salle : l’un des harkis dans le documentaire dit « je n’avais jamais vu de Français ». Est-ce si fréquent ?

Abderahmen Moumen : il y a en fait deux Algérie qui cohabitent ; d’abord, l’Algérie des villes où vit la majorité des Européens (et une minorité de "musulmans", puis l’Algérie des campagnes où vivent 8 millions d’Algériens et une minorité d’européens (qui va encore diminuer après la deuxième guerre mondiale et un début de repliement des campagnes vers les villes).

Question de la salle : des mots très durs sont utilisés dans le documentaire pour décrire les membres du FLN ; ceci peut paraître contradictoire avec les précisions de Denis Peschanski, qui, ce matin, lors du colloque sur les lieux d’internement, montrait toute l’importance de désigner correctement les choses et les acteurs.

Abderahmen Moumen : les mots ont leur importance pour un historien ; Costelle et Clarke ne sont pas historiens. De manière générale, on note une difficulté à désigner les protagonistes de la guerre d’Algérie.

Questions de la salle : Quid de l’utilisation du terme « mes » harkis ?

Abderahmen Moumen : L’utilisation du terme « mes » harkis peut choquer car elle renvoie à une notion paternaliste ; mais beaucoup de personnes ne sont pas choquées par cette expression employée dans l’institution militaire.

Fatima Besnaci-Lancou estime que l’expression peut choquer compte-tenu de la manière dont les harkis ont été abandonnés.

Question de la salle : quelles étaient les modalités de paye des supplétifs ?

Abderahmen Moumen : Les supplétifs étaient considérés comme des journaliers ; ils n’avaient pas forcément de tâches militaires : certains étaient cuisiniers, maçons,…

Question de la salle : comment évolue le regard des Algérien sur les harkis ?

Fatima Besnaci-Lancou : : Pour certains, le fond du film a été mal reçu, sans doute parce qu’on n’y reconnaît aussi la violence du FLN. Il faut observer cependant quelques évolutions : ainsi la semaine du Maghreb des films consacré aux harkis a été annoncée dans le quotidien algérien « El Watan ».

Question de la salle : l’utilisation d’images filmées par le service des armées, dans le documentaire, contribue-t-elle à déformer l’utilisation des harkis en les cantonnant à des fonctions militaires ?

Abderahmen Moumen : On est effectivement un peu coincé par les sources. Cependant, il y a des images, par exemple de terrassiers, mais les réalisateurs préfèrent utiliser les images qui sont plus frappantes pour le spectateur.

Question de la salle : concernant les harkis en métropole, combien étaient-ils et d’où venaient-ils ?

Abderahmen Moumen : Rémi Valat et Lynda Amiri ont travaillé sur la force de police auxiliaire (FPA). Ces auxiliaires venaient d’Algérie ; ils étaient au minimum 400 à 500, au maximum 1000 personnes, dans un contexte de guerre à trois acteurs : le FLN, la France, et le MNA (Mouvement Nationaliste Algérien)

Question de la salle : combien y avait-il de harkis en 1962 ?

Abderahmen Moumen : L’effectif maximum a été atteint en janvier 61 avec 63 000 harkis ; la France n’a pas attendu les accords d’Évian pour commencer à désarmer les harkis. Ainsi, fin 61, on commence à licencier et désarmer, de telle manière que, début 62, on peut évaluer le nombre de harkis en activité à 45 000. Au total, ce sont environ 250 000 hommes (pour certains 400 000) qui ont été supplétifs. Environ 42 500 personnes ont été transférées en France (soit 20 000 harkis et leurs familles) par l’armée. À peu près autant sont venus en France par des initiatives individuelles.

Intervention de la salle : la notion de nation n’était pas ancrée donc les harkis n’avaient pas le sentiment de trahir une terre, un drapeau. La colonisation avait annihilé toutes « algérianisation ». Par ailleurs, il y a aujourd’hui une nouvelle génération en Algérie avide de savoir ce qui c’est passé.

Question dans la salle : Quid des harkis restés en Algérie ?

Abderahmen Moumen : Les harkis transférés en France sont minoritaires. Parmi ceux qui sont restés, certains ont été tués ; d’autres, environ 25 000, ont été placés dans des camps d’internement. Concernant les tués, les chiffres sont difficiles à établir : on peut estimer au minimum à 15 000-20 000, voire 50 000, le nombre de harkis et leurs familles qui ont été tuées ; certains sont allés jusqu’à citer le chiffre de 150 000. Les anciens harkis restés en Algérie ont vécu soit en sous citoyen soit se sont complètement inscrits dans la nouvelle Algérie ; il faut tenir compte de l’esprit de clan qui a pu protéger les harkis.

Question dans la salle : quelles étaient les concurrents du FLN ?

Abderahmen Moumen : Le FLN est issu d’une scission du MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, futur MNA). Messali Hadj a décidé de se lancer dans la guerre en la concevant d’abord comme un moyen de pression pour négocier, ce qui n’est pas le cas du FLN, partisan de la guerre totale jusqu’à la victoire. Très rapidement, la guerre MNA/FLN est gagnée par le FLN en Algérie. En France, le MNA se maintient dans les régions de Roubaix et en Lorraine. En France,, la guerre MNA/FLN (guerre des cafés) a fait environ 4000 morts.
Des nationalistes du MNA en 1957 - 1958, pilotés par Bellounis, sont, pendant une courte période, soutenus par l’armée française. Globalement les messalistes subiront aussi des violences en 1962.

Question dans la salle : quelles sont les revendications des harkis aujourd’hui ?

Fatima Besnaci-Lancou : en Algérie, personne n’oserait aujourd’hui monter une association de harkis. Du côté français, il y a un manque d’apaisement. Cet apaisement viendra lorsque la France reconnaîtra sa responsabilité dans le traitement qui a été infligé aux harkis à la fin de la guerre. Il s’agit d’un dénominateur commun à toutes les associations de harkis, associations qui ne s’entendent pas forcément toujours entre elles mais qui sont d’accord sur ce point essentiel.

Jeudi 9 juin, à 20h 45, Les Jardiniers de la rue des Martyrs de Leïla Habchi et Benoît Prin et Les Amandiers de l’histoire de Jaco Bidermann et Valentin Lagard

Débat : « Cohabitation entre anciens militants FLN et anciens Harkis »
en présence de Leïla Habchi et Benoît Prin

Près de 40 ans après la fin de la guerre d’Algérie, dans un jardin ouvrier du Nord de la France à Tourcoing, des retraités français et algériens cultivent côte à côte leur petit bout de terre. Certains étaient appelés du contingent pendant la guerre d’Algérie, d’autres militants du FLN ou bien harkis. Autour du potager, les ennemis d’hier se réconcilient…

Débat  : « L’armée et les supplétifs » & « Révolte de la deuxième génération »
en présence de Valentin Lagard

Quarante ans après le rapatriement d’une communauté harkie dans un village de la basse Ardèche, Largentière, les survivants décident d’en célébrer l’anniversaire. Militaires et harkis préparent la fête, se replongent dans leurs souvenirs. Les enfants et les petits-enfants, victimes d’une histoire qu’ils n’ont pas vécue, reviennent sur l’engagement de leurs pères et réagissent à l’événement.

Extrait des questions dans la salle :
- les difficultés de tournage, le problème de la mise en confiance,
- la présence ou l’absence des femmes, leur posture (les filles, les épouses,...)
- les réactions des personnages à la première projection.

Vendredi 10 juin, à 20h45, Passé sous silence de Sofia Saa et Le Choix de mon père
de Rabah Zanoun

Débat  : « L’ambiguïté cultivée par l’état français » & « Identité »
en présence de Sofia Saa

Troublé par un courrier du gouvernement français lui demandant dans quel pays il souhaite effectuer son service militaire, un jeune Français né en Allemagne part à la recherche de son identité à travers l’histoire de son père harki. De Rivesaltes où il découvrit la France aux quartiers défavorisés du Nord du pays.

Débat  : « Guerre des cafés à Paris » & « Le refoulement d’Algérie, actuellement » en présence de Rabah Zanoun et Abderrahmane Moumen

Le 13 juillet 1959, un sympathisant du FLN refuse d’assassiner un membre du MNA (Mouvement National Algérien). Par peur de représailles et se sachant condamné à mort par le FLN, cet homme trouve protection auprès des autorités françaises et s’engage officiellement comme harki. Ce n’est pas le début d’une fiction, mais l’histoire du père de Rabah Zanoun.
Aujourd’hui, il a pris conscience du drame inavoué que son père a vécu. Déraciné, humilié, bafoué, celui-ci n’avait jamais parlé. Ensemble, ils décident de partir en quête du passé, sur les routes de Lorraine et de Kabylie, pour comprendre son histoire et enfin donner la parole à un harki. Loin des films d’enquêtes ou d’investigation historique, ce documentaire se veut une lecture intime du destin d’un homme…

Extrait des questions dans la salle :
- Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce film ?
- Les femmes sont présentes dans les deux films. Elles prennent leur place pour parler ; était-ce facile ?
- Quelles difficultés de tournage en Algérie ?
- Quel regard portez-vous sur l’Algérie ? En voulez-vous la France, à l’Algérie ?

Samedi 11 juin, à 20h45, La Harka de José Jornet et Alain De Brock et Des pleins de vide de Nicolas Strauss

  • La Harka de José Jornet et Alain De Brock
    France / 28’ / 1986

Débat « Abandon des jeunes en France »
en présence de José Jornet

Ahmed a vingt ans, il est français musulman comme on dit, fils de harki. Pas facile pour un français bronzé de trouver du travail et l’amour. Ahmed s’accroche, l’humour en plus, mais dans les cités banlieues-béton, la tragédie n’est pas loin... La harka en arabe, ça veut dire "insurrection".

Extrait des questions dans la salle :
- Qu’est-ce qui explique ce silence des parents pendant des dizaines d’années ?
- Qu’est-ce qui fait que c’est la mère qui raconte ?
- À quel moment l’histoire de la famille vous a été transmise ? La transmission peut-elle être différente selon qu’il s’agit d’une fille, d’un garçon, d’un enfant de harki qui a vécu en Algérie, qui a vécu dans les camps ?
- Y a-t-il une différence en termes d’identité ? Quand se dit-on « fils (ou fille) de harkis » ?
- On parle de « harkis » ; ne doit-on pas parler d’"anciens harkis » ?
- Quel rapport de la génération des enfants de harkis avec l’Algérie ?
- Faire un film, est-ce une thérapie ? L’était-ce pour vous, pour les parents ?
- Comment a réagi le reste de la fratrie ?
- Pourquoi José Jornet a-t-il fait le film « la harka » ?

Débat en présence de Fatiha Mellal

Le voyage initiatique de Fatiha, Malika et Larbi Mellal, sur les traces de leurs parents débarqués presque quarante ans plus tôt en France et résidant aujourd’hui à Flers en Normandie. Monsieur Ahmed Mellal, leur père, était pendant la guerre d’Algérie "engagé" dans les forces supplétives françaises, et était ce que l’histoire a appelé un harki.
Tous les trois vont au fil de leurs rencontres et de leurs déplacements, se rapprocher progressivement de l’histoire de leurs parents exilés, déracinés et pris en otage par une histoire officielle et falsifiée.

Dimanche 12 juin, à 20h45, Harkis
de Alain Tasma
France / 90’/ 2006

Débat  : « Gestion coloniale des camps en France » Kader Tamazount,
cofondateur de l’Association Culturelle
des Harkis-IDF.

1972, Le sud de la France, en pleine forêt, une famille aux maigres bagages découvre le nouveau camp où elle va vivre.
Malgré le paternalisme affiché du chef de camps, les harkis ont la vie dure et aucune liberté réelle.
Une vie de misère et de tutelle que Leila, la fille aînée des Benamar refuse.
Elle a l’âge de la révolte, celles du premier amour aussi. Pour elle, son père, marqué par la guerre et l’exil, habitué à plier, ne doit rien aux Français qui ne les ont pas protégés en Algérie.
Grâce à elle, à l’aide d’un couple de paysans, il relèvera la tête, et les Benamar quitteront le camp pour une ferme voisine.

Extrait du débat :

Question dans la salle : quels souvenirs de manifestations de harkis dans les camps ?

KaderTamazount : je n’ai pas souvenir de manifestations à mon époque ; je me souviens de la peur, je me souviens de l’ambulance. Effectivement, il n’y avait pas de reçu pour les allocations familiales, beaucoup d’argent a été détourné. Le directeur du camp s’est fait bâtir un « château » avec cet argent.

Question dans la salle : le général Faivre a récemment déclaré que ce qui était dit sur Bias par les enfants de harkis était exagéré. Qu’en est-il ? Le chef de camp dans le film est-il une caricature ?

KaderTamazount : non, pas du tout, au contraire. Il faut savoir que les camps ont été cachés à la France entière ; on ne partageait rien avec l’extérieur. Plus tard, lorsqu’on a pu sortir, on observait un rejet dans les cafés de Villeneuve-sur-Lot : « il n’y a pas de place pour vous les Arabes ». Les Français disaient « puisqu’on vous a mis dans les camps, c’est donc que vous êtes dangereux. À Bias, l’extinction des feux avait lieu à 21heures, les douches étaient payantes, à leur naissance les enfants avaient des prénoms qui étaient automatiquement français, sur intervention de l’assistante sociale, sans que les parents aient leur mot à dire. Enfant, je pensais que mon père était un prisonnier.

Question dans la salle : quels souvenirs de la 404 blanche (l’ambulance) ?

KaderTamazount : elle ne servait qu’à emmener les harkis pour les interner à Agen. À l’intérieur du camp, il n’y avait que du personnel militaire qui avait été la plupart du temps en poste en Algérie.

Question dans la salle : comment une famille qui était harki pouvait-elle quitter le camp ?

KaderTamazount : il fallait fournir une preuve de logement et une preuve d’embauche. Mais il n’y avait aucune possibilité de connaître l’extérieur donc le départ était difficile. Paradoxalement, les enfants d’immigrés ont pu s’intégrer plus facilement que les enfants de harkis.

Intervention dans la salle : « Tom » cite le cas d’une famille originaire de Guelma, qui était harki et a voulu partir. Le père est parti six mois, il est revenu, il n’a pas pu réintégrer le lotissement bien qu’’il y avait des logements vides ; il a dû monter une tente au milieu du camp. On disait aux parents qu’il fallait se protéger du FLN. S’ils sortaient, c’était à leurs risques et périls ; cette fable a été entretenue pendant longtemps.

Lundi 13 juin L’Adieu 1ère partie et mardi 14 juin, à 20h45, L’Adieu 2ème partie
de François Luciani
France / 2 x 90’/ 2003

Débat  : « L’abandon par l’état français », en présence de Gilles Manceron

Du sang versé au sang mêlé. La guerre d’Algérie vécue par un jeune soldat français, Laurent Luissac, mobilisé en Algérie de 1960 à 1962. Le témoignage brûlant d’un appelé qui passe du paradis à l’enfer dans une Algérie déchirée. Appelés, harkis, pieds-noirs, nationalistes algériens, autant d’hommes et de femmes aux prises avec l’histoire dans une fresque haletante.

Extrait du débat :

Question de la salle : Le fait que certaines libertés aient été prises avec histoire dans le film.

Gilles Manceron : Certains faits significatifs ont été rassemblés dans une même période ; par exemple, la « manifestation des casseroles » ne se passe pas en 1960.

Question de la salle : Le personnage de Farid et la question des désertions pour les officiers algériens.

Gilles Manceron : Certains officiers ont quitté leur poste et ont rejoint l’armée des frontières du côté de la Tunisie. Certains ont été arrêtés et ont passé la fin de la guerre en prison. D’autres (comme le général Nezzar), ont eu un parcours significatif dans l’ANP (Armée Nationale Populaire) ont été ou sont encore très proches du pouvoir algérien actuel.

Question de la salle : Comment se situent les anciens harkis sur l’échiquier politique ? Quid de la nouvelle génération ?

Gilles Manceron : Le mot « harki » désigne 2 réalités :
- les harkis pendant la guerre
- le « groupe social" en France ( qui n’existe pas, en tant que tel en Algérie) _
Dans les 15 premières années, les harkis ont été instrumentalisés : on leur montrait ce qu’ils devaient mettre dans l’urne. Les associations étaient plutôt positionnées à droite, parfois sous couvert d’apolitisme, sous l’influence de nostalgiques de l’Algérie française. C’est sans doute moins vrai aujourd’hui.

Question de la salle : Y a-t-il des contacts entre la nouvelle génération des enfants de harkis et la nouvelle génération des enfants d’immigrés ?

Gilles Manceron : Un manifeste « pour la réappropriation des mémoires confisquées » a été signé par des enfants de harkis et d’immigrés en 2004.

Question de la salle ; Le service militaire était-il obligatoire ?

Gilles Manceron : La conscription avait un caractère obligatoire depuis 1912 mais elle se révélait difficile d’application pour les algériens. Pour des raisons évidentes, pendant la guerre d’Algérie, l’ensemble de la classe d’âge n’était pas appelée sous les drapeaux.

Question de la salle ; Quid de l’enseignement de l’histoire des harkis, en France et en Algérie ?

Fatima Besnaci-Lancou : La guerre d’Algérie est abordée en classe de Troisième et en Terminale. Un travail important de formation des enseignants a été réalisé dans certaines académies, avec la participation active de l’association harkis et droits de l’Homme. De plus, des interventions dans les collèges et lycées, devant les élèves, sont réalisées fréquemment.

Question de la salle : Définition des zones interdites en Algérie.

Gilles Manceron : Elle est à l’origine de la création des camps de regroupement et de la stratégie militaire visant à couper le FLN de la population.

Question de la salle : Quid de l’épisode du maquis de l’Ouarsenis ?

Gilles Manceron : Après le cessez-le-feu, les derniers combattants de l’OAS tentent de monter un maquis dans la région de l’Ouarsenis, maquis qui sera rapidement neutralisé par les éléments du FLN.

Question de la salle : Où en est-on sur le nombre de harkis massacrés ?

Gilles Manceron : De la même manière qu’un chiffre mythique a été cité par le pouvoir algérien concernant les morts algériens pendant la guerre (1 million de morts,..), le chiffre de 150 000 côté harkis parait exagéré On peut probablement avancer une estimation de plusieurs dizaines de milliers. Un travail reste à faire sur cette question.

Question de la salle : Est-il vrai qu’il y a eu un télégramme de Louis Joxe qui aurait donné l’ordre de ne pas rapatrier les harkis ?

Gilles Manceron : Louis Joxe et Pierre Messmer ont été les auteurs de directives visant à freiner, voire empêcher le rapatriement des harkis.

Question de la salle : Y a-t-il une reconnaissance de la responsabilité de l’État français dans l’abandon ?

Fatima Besnaci-Lancou : Non. Nicolas Sarkozy a dit le 31 mars 2007 : "Si je suis élu président de la République, je veux reconnaitre la responsabilité de la France dans l’abandon et le massacre des harkis en 1962 ». En fait, il a menti comme il a menti à beaucoup de Français.

Question de la salle La question d’accueillir les harkis était-elle taboue dans l’ensemble du monde politique en 1962 ?

Gilles Manceron : Les harkis n’étaient pas désirés pour des raisons diverses ; au niveau du pouvoir de l’époque, Alain Peyrefite cite les propos de de Gaulle : « Ce ne sont pas des rapatriés, ils ne retournent pas dans la terre de leurs pères » et « Si on accueille tous les musulmans qui le souhaitent, ce ne sera plus Colombey –les-deux-Eglises mais Colombey-les-deux-mosquées ».

Colloque : « Lieux d’internement, lieux de mémoire »

Le 8 juin 2011 de 9H15 à 18H
Auditorium de l’Hôtel de Ville
5,rue Lobau - 75004 Paris
Métro : Hôtel de ville

Journée organisée par la Ville de Paris et l’association harkis et droits de l’Homme.
www.harki.net
06 68 00 61 34

Le 12 novembre 1938, sous la Troisième République, un décret permit l’internement
des « étrangers indésirables » dans des « centres spécialisés ». Contrairement à
la procédure "judico-policière" traditionnelle, l’internement administratif vise des
personnes non pour ce qu’elles ont fait (ou sont présumées avoir fait) mais pour le
danger potentiel qu’elles représentent aux yeux de l’Etat du seul fait de leur présence
sur le sol français.
En 1938, elle vise principalement les réfugiés espagnols...
Depuis, d’autres groupes sociaux ont été internés ou “accueillis” dans ces “centres”
qui ne sont rien d’autre que des camps.
- Pierre Daum, journaliste, auteur du livre : « Immigrés de force : les travailleurs
indochinois en France, 1939-1952 » aux éditions Actes Sud
- Geneviève Jacques, ancienne secrétaire générale de la CIMADE
- José Jornet, cinéaste et auteur du livre « Républicains espagnols en Midi-Pyrénées :
Exil, histoire et mémoire » aux éditions Toulouse PU Mirail
- Abderrahmane Moumen, historien chercheur associé au CHRiSM (Centre de Recherche
Historique sur les Sociétés Méditerranéennes, Perpignan)
- Denis Peschanski, historien, directeur de recherche au CNRS, président du conseil
scientifique du Musée-Mémorial du Camp de Rivesaltes (projet)
- Marianne Petit, directrice du projet Mémorial du camp de Rivesaltes
- Dominique Rolland, maître de conférences à l’INALCO
- Modérateur : Gilles Manceron, historien

Quelques coups de projecteur sur cette journée :

Les quelques lignes ci-dessous mettent l’accent sur les interventions en lien avec la situation des harkis. Denis Peschanski a rappelé le fil rouge : le drame des déplacements contraints, soit sous l’effet d’une force directe, soit du fait d’une situation.

Geneviève Jacques a rappelé la présence de la CIMADE sur les deux rives de la Méditerranée pendant la période la guerre d’Algérie : les camps de regroupements en Algérie créés par l’armée française (2 à 2,5 millions de personnes ont été placées dans ces camps), les camps d’assignation en métropole pour les personnes suspectées de sympathie envers le FLN, les camps de relégation où les harkis ont été mis à l’écart à partir de 1962.

Abderahmen Moumen intervenait sur le thème « Rivesaltes et Saint-Maurice l’Ardoise. Les camps de transit pour les familles d’anciens supplétifs (1962 – 1964) ». Il a rappelé les craintes (non fondées) qui expliquaient l’enfermement des harkis dans des camps après la fin de la guerre : la crainte d’une collusion avec des éléments de l’OAS arrivés en France, la crainte, vis-à-vis de l’Algérie, qu’une force d’opposition au nouvel Etat se crée et se structure en France.

Abderrahmane Moumen a rappelé les campagnes de presse hostiles à l’arrivée des harkis, en prenant pour exemple le journal communiste « Le Travailleur catalan » qui utilise en 1962 les mots de « dépotoir », de « mercenaires », d’ « hommes à tout faire », de « racailles » étaient utilisés. Il relève des titres comme « Rivesaltes : Que compte faire le Conseil municipal pour nous débarrasser des harkis ? » ou « Rivesaltes : bientôt une municipalité harkie ? ».

Parmi les questions ou commentaires dans la salle, il convient de noter celle de Yann Scioldo-Zurcher : « La question de qui a parlé au nom des harkis est fondamentale ; après la guerre, on a continué à parler pour eux sans leur demander leur avis ».

Abderrahmane Moumen a également souligné que, dans une première phase, le camp de Rivesaltes était interdit à tout civil non autorisé et particulièrement aux journalistes afin de ne pas médiatiser la situation, tragique, et éviter une exploitation politicienne.