Année : 2006
Durée : 100’
Scénario : Rabah Ameur-Zaïmeche
Musique : Rodolphe Burger
Images : Lionel Sautier et Hakim Si Ahmed
Montage : Nicolas Bancilhon
Production : Sarrazink Productions et Les Films du Losange
Avec : Meryem Serbah, Rabah Ameur-Zaïmeche, Abel Jefry, Meriem Ameur-Zaïmeche, Larkdari Ameur-Zaïmeche, Soheb Ameur-Zaïmeche, Farida Ouchani, Ramzy Bedia, Abdel Rachid Ameur-Zaïmeche, etc.
Bled Number One raconte l’histoire de plusieurs personnes à travers les yeux de Kamel, expulsé de France, qui revient dans son village d’origine, Loulouj en Algérie.
Il retrouve, non sans désenchantement, une société masculine où les femmes prennent leur repas à part des hommes.
Il y a Louisa pour qui on ressent qu’il a une certaine attirance. Elle s’en retourne chez ses parents parce qu’elle est malmenée par son mari. Elle revient dans sa famille avec son fils. Elle est alors confrontée à la réprobation de sa propre famille. Elle est mal accueillie par sa mère qui pense plus au deshonneur que va lui causer sa fille qu’à ce qu’elle ressent. Son mari, jeune politicien, revient la chercher et la jette hors de la voiture après avoir quitté le village. Elle revient chez elle seule, déshonorée, et son frère le lui fait ressentir : il la frappe.
Bouzid, le frère de Louisa, se fait attaquer alors qu’il est saoul par des fanatiques qui jugent son attitude indigne de l’Islam et qui menacent de lui trancher la gorge. Ce groupe de jeunes, appelés les « desperados » dans le générique, sème la terreur en s’attaquant aussi aux joueurs de dominos et à tous ceux qui ne respectent pas les lois de la religion.
Louisa est malheureuse, se sent abandonnée et seule. Elle veut son enfant et chanter pour évacuer sa peine. Sa belle-mère la renie. Elle tente de se suicider et se retrouve dans un asile psychiatrique où elle pourra enfin chanter, entourée de femmes comme elle : seules, déshonorées mais unies.
L’atmosphère est étouffante pour Kamel qui essaie malgré tout de s’accommoder de cet environnement. Mais à la fin, on peut comprendre qu’il va tenter de s’en aller en passant par la Tunisie. Il veut fuir ce pays où il se sent étranger, ce pays qu’il trouve maintenant hostile et violent.
Entretien réalisé par Claire Vassé
L’avant... ou l’après. La fin de Wesh, Wesh se termine sur un plan d’étang après une course-poursuite entre un flic et Kamel. On entend alors un coup de feu mais on ne sait pas si Kamel est abattu ou non. La seule chose que je sais, c’est que Kamel a été victime de la double peine, donc qu’on pouvait faire un second film : double peine, double film ! On prévoyait déjà une suite en faisant Wesh, Wesh. Qu’elle se situe avant ou après importait peu. Pourquoi toujours considérer le temps comme quelque chose de chronologique ?
Kamel arrive un peu en étranger dans son pays d’origine. Sa seule porte d’entrée dans ce monde qui est le sien ans être le sien, semble être les femmes... Comme si c’était elles qui détenaient la manière d’être dans le monde, qui savaient quelque chose du monde...
Oui, les femmes détiennent un immense secret, une connaissance silencieuse ! Elles n’en sont pas souvent conscientes mais elles ont au plus profond d’elles quelque chose de magnifique. Je ne sais pas si c’est ce que je filme, mais ce qui est sûr, c’est que je filme la terre. En Algérie, les femmes semblent uniquement enfermées dans des rapports de soumission alors qu’en réalité elles ont une liberté débordante, surtout dans le monde rural. Leurs comportements sont habités par des valeurs telles que l’honneur et la dignité. Elles portent cette responsabilité, et l’assumer les embellit.
Dans Bled Number One, les portes qui ne cessent de se refermer sur les personnages contrastent avec la liberté sensuelle des paysages...
... qui nous invitent justement à prolonger le voyage, à faire la même chose que la terre algérienne : s’ouvrir, percevoir... Cette terre m’a habité pendant tout le tournage. Si ce n’est pas elle, ce sont mes ancêtres ! Kamel dans son exil forcé n’est pas quelqu’un qui subit, qui est dans la victimisation... C’est quelqu’un de souple et mobile, qui transforme une contrainte en voyage.
Votre mise en scène nous raconte d’ailleurs un monde davantage nourri par le mythe et le temps des origines que par un rapport aux événements plus factuel, quotidien, “réaliste” ?
Oui, on a l’impression d’être suspendu entre deux temps, dans un sentiment proche de la mélancolie. On a fait des couleurs lumineuses, claires, qui n’ont pas d’âge. Il s’agit simplement de conjuguer la représentation d’une réalité sociale algérienne avec la temporalité improbable de cette terre originelle. Une des différences entre la France contemporaine et une société patriarcale, comme on en trouve sur le pourtour méditerranéen, est l’atomisation de la société. En Algérie, les structures sont plus solides. On le voit bien à travers la
scène de sacrifice dans le film : la ZERDA. Cette scène est centrale. Elle montre une pratique culturelle ancestrale, fondatrice des premières civilisations, qui surgit d’un communisme primitif datant de la nuit des temps. Lors du sacrifice, on partage la viande en parties égales. Alors que la société capitaliste occidentale est dans des lois de privatisations exacerbées. C’est vachement dur de passer de l’Algérie à la France... Cela demande des générations.
En quoi Kamel est-il vivant ?
Parce qu’il arrive à se libérer du sort qui s’acharne sur lui. Pour cela, il faut avoir une démarche nonchalante, légèrement désinvolte. C’est simplement une attitude, suivre le chemin de la connaissance. L’art en général, et le cinéma en particulier, permet d’accéder à cette connaissance.