Année : 2012
Durée : 15’
Scénario : Tahar Houchi
Image : Ahmed Boutghaba
Montage : Rachid Moutchou
Décor : Said Aadil
Son : Abdelilah Abouzakri
Production Exécutive : Akkabar production et Arissala Production
Avec : Fatima Bou Ouchen, Faouzi Saichi, Nezha Ameddouz, Houcine Tizourine, Younes Azoud, Abdelilah Khanniba
"J’ai essayé de mettre mes connaissances cinéphiliques au service du scénario et du film. Ainsi, j’ai volontairement multiplié les clins d’œil aux réalisateurs et aux cinémas qui m’ont façonné. Il s’agit de d’Abbas Kiarostami, notamment pour son film Où est la maison de mon ami ? Certains plans extérieurs rappellent également le cinéma iranien.
Outre cela, un clin d’œil a été fait à Charlie Chaplin et au film La Guerre des boutons. Enfin, la première séquence du film, rappelle d’une manière éloquente L’Homme qui en savait trop d’Alfred Hitchcock.
S’agissant du domaine littéraire, c’est surtout Driss Chraïbi et Nabil Farès, deux écrivains francophones marquants à qui j’ai consacré mon mémoire de DEA, qui se sont invités plusieurs fois, sans avertir, lors de l’écriture du scénario.
Le film oscille entre réalisme, burlesque et tragique."
Note d’intention
A tous les enfants du monde
A toutes les victimes de la violence symbolique
Je me souviens très bien de ma scolarité obligatoire. J’ai suivi un cycle de formation que les pédagogues ont appelé « l’école fondamentale » et que le génie du peuple a rebaptisé école « fawdha-mentale » (chaos mental).
Durant toute cette scolarité, mes camarades et moi-même n’avions pas le droit de parler notre langue maternelle, le tamazight, qui était notre seul outil de communication avec le monde. Situation absurde mais bien réelle, nous avons passé des heures sur les bancs d’école sans rien comprendre. Cela est d’autant plus absurde si l’on sait que la communication avec nos maîtres se faisait exclusivement, en tamazight à l’extérieur de l’école.
C’était un drame et une chance en même temps. Un drame, car dans l’incapacité de parler et de comprendre, nous nous réfugiions dans le silence et le mutisme. Une chance, car l‘incompréhension nous protégeait de l’idéologie dominante, parfois raciste, présente dans les lectures scolaires. Mais pas pour très longtemps !
Mais au final, cet équilibre se rompait dans la tête de beaucoup d’enfants qui se retrouvaient dans une situation dramatique, du point de vue scolaire et psychologique, puisque la haine de soi, l’ignorance et l’échec prenaient le pas sur l’estime de soi, le savoir et la réussite.
Dehors, nous étions libres de lire, de parler et de converser en tamazight. Nous étions même confrontés à une autre idéologie, celle des résistants, au milieu desquels il était pratiquement interdit de parler en arabe. Les héros et symboles de l’école cédaient leur place à d’autres héros et symboles ancestraux.
Pris entre le marteau de la démagogie raciste et aveugle de l’école, et l’enclume de l’idéologie dure et intransigeante de la résistance, nos têtes d’enfants ne comprenaient pas le sens de cette guerre dont la langue était devenue à la fois enjeu et terrain de jeu.
Des années ont passé. Certains ont atteint des degrés d’instruction élevés. Ils sont devenus polyglottes. Mais la peur, la crainte et l’incompréhension du premier jour d’école restent mémorables. La question est donc d’arriver à intégrer la langue dénigrante tout en restant soi-même. Certains ont réussi là ou d’autres ont échoué.