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En attendant Pasolini

Synopsis

Thami est réparateur de télévision et figurant dans les films étrangers tournés dans son village, non loin de Ouarzazate. Il s’est lié d’amitié avec Pasolini lors du tournage du film Oedipe Roi en 1966. Il avait alors dix neuf ans.
Quarante ans après, une équipe d’italiens, vient à Ouarzazate préparer le tournage d’un film sur la Bible. Thami croit que son ami Pasolini est de retour. Daoudi, ancien figurant et ami de Thami, travaille avec cette équipe italienne. Daoudi apprend à Thami que Pasolini est mort depuis longtemps.
Mais dans le cœur de Thami, Pasolini est toujours vivant.
Thami devient un homme important du village. Un jour, les villageois apprennent la mort de Pasolini...

Thèmes : Société maghrebine

Réalisateur(s) : Aoulad-Syad, Daoud

Pays de production : Maroc

Type : Long métrage

Genre : Fiction

Edition du festival : Maghreb des films novembre 2010 , Maghreb des Films automne 2015

Titre original Fi Ntidhar Pasolini

Année  2007 / 114’

Scénario Youssef Fadel, d’après une idée de Ali Essafi

Image Thierry Lebigre

Son Jérôme Ayasse

Montage Nathalie Perrey, Daoud Aoulad-Syad

Production Les Films du Sud, Vidéorama

Avec Mohamed Bastaoui, Mohamed Majd, Mostapha Tahtah.

Commentaires de Natacha Seweryn

Thami, est réparateur, et figurant dans les films étrangers tournés dans son village, non loin de Ouarzazate. Sur le tournage du film Œdipe roi en 1966, il avait rencontré Pasolini avec lequel il était devenu ami.
De nos jours, une équipe d’Italiens vient à Ouarzazate préparer le tournage d’un film sur la Bible. Thami pense que Pasolini est revenu avec l’équipe. Daoudi, ancien figurant et ami de Thami travaille lui aussi comme figurant sur le film. Daoudi apprend à Thami que Pasolini est mort depuis longtemps, mais ce dernier ne le croit pas et pense que son ami est toujours vivant. La présence du cinéaste est partout, et nulle part en même temps, car elle appartient à l’imaginaire de Thami : le style de Daoud Aoulad-Syad se construit dans cette interstice.

En attendant Pasolini est avant tout un film sur la mémoire, sur l’attente d’un passé qui n’existe plus, et le sentiment de vacuité du présent. La religion est une manière de souligner ce décalage, inscrite sur deux niveaux : la société romaine décrite dans le film de Pasolini, et la société actuelle du Maroc. Ce carrefour d’influences donne des scènes très drôles, comme celles où les figurants sortent d’une forteresse romaine pour défendre l’ennemi, reconstituant une scène d’Œdipe roi ; en hurlant des « Allah wa akbar ». Le réalisateur rétorque : vous pensez que les Romains hurleraient vraiment gloire à Allah ? 

Ou alors, quand, en arabe, Thami reprend la prononciation de son ami : on ne dit pas « zizi » mais « Jésus ». Le réalisateur donne une vraie légèreté de ton au film sur le thème de la religion, comme un discours décomplexé sur les interdits, qui ne tombe jamais dans l’écueil de la provocation gratuite.
Cette représentation de la religion se double d’une critique de l’homme blanc venu sur les terres du Maroc, par l’intermédiaire du réalisateur du documentaire qui choisit ses figurants dans le village comme du bétail, établissant un parallèle avec le regard de l’homme blanc sur les Marocains. Il les sélectionne derrière un grillage. « Ceux qui n’ont pas de barbes, désolé », « ceux qui ne parlent pas italien non plus », « ceux qui ont la peau trop noire, non plus », comme pourrait l’être une « discrimination positive ». La sentence est aussi absurde, qu’elle est complètement infondée. La voix sélectionne dans un plan large une à une les personnes qui doivent partir. Daoud Aoulad-Syad montre avec distance que les villageois s’en fichent : « S’ils nous rapportent de l’argent, on est capitaliste, s’ils nous rapportent de l’argent, on est communiste »… Avec aussi peu de conviction qu’un Dutronc qui retourne sa veste. Il ne s’agit pas de suivre un idéal politique, ni Pasolini (Thami le traitant de « lèche-cul »), ou un autre type de cinéma, mais de s’écouter simplement et faire ainsi un cinéma marocain décomplexé de toutes formes d’oppression, qu’elle soit financière, culturelle ou politique. Après Adieu Forain, le réalisateur confirme son style et sa vision du Maroc, maltraité par un monde dont elle semble se moquer.
A mi-chemin d’une réflexion politique, cinématographique et religieuse, ce film souligne le renouvellement proposé par le cinéma marocain au cinéma mondial.

Extrait de Critikat

Daoud Aoulad-Syad
Né en 1953 à Marrakech, Maroc. Docteur en Sciences Physiques, il débute au cinéma en 1989 grâce au stage "Université d’été, découverte du cinéma en France" à la FEMIS. Il réalise alors deux courts métrages : K ricature et Paris, 13 juillet. En 1991, il s’essaie au court-métrage documentaire avec entre autres Memoire ocre, avec un montage signé Ahmed Bouanani. Il faudra attendre 1998 pour qu’il réalise son premier long métrage Adieu forain. Trois ans plus tard, suit Le Cheval de vent.Deux scénarios signés Ahmed Bouanani.
Daoud Aoulad Syad est également photographe : il a publié trois livres : Marocains, en 1989 ; Boujaâd, Espace et mémoire, en 1996 ; et Territoires de l’instant, avec Ahmed Bouanani, en 2000.
Longs métrages :
La Mosquée / A Jamaâ (2010)
En attendant Pasolini / Fi Ntidhar Pasolini (2007)
Tarfaya(2004)
Le Cheval de vent / Aoud rih (2001)
Adieu forain(1998)