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Mektoub

Synopsis

Taoufik, jeune et brillant médecin Casablancais de retour des États-Unis, est impliqué dans un meurtre. Tout au long du périple qui le mène dans les profondeurs du Maroc, il découvre l’âme de son pays, retrouve l’intensité de son amour pour sa femme et un frère.
Le film est tiré d’un fait divers qui a défrayé la chronique au Maroc au milieu des années 90. L’affaire du "Commissaire Tabet".

Thèmes : Société maghrebine

Réalisateur(s) : Ayouch, Nabil

Pays de production : Maroc

Type : Long métrage

Genre : Fiction

Edition du festival : Maghreb des films novembre 2010

Année 1997 / 90’ 

Scénario Nabil Ayouch et Faouzi Bensaïdi

Adaptation des Dialogues Youssef Fadel -

Image Vincent Mathias -

Décor Saïd Raïs

Montage Jean Robert Thomann

Musique Henri Agnel, Pierre Boscheron

Son François Guillaume

Production Ali n’ Production. 37, rue Assanaani, résidence Ouchtar 8, Quartier ourgogne, 20050 Casblanca Maroc

Avec Rachid El Ouali, Amal Chabli, Faouzi Bensaïdi, Mohamed Miftah, Malika Oufkir, Abdelatif Illal, Mohamed Zouhair, Mohamed Tsouli,...

Commentaires de Marion Pasquier
Mektoub (qui représente le Maroc aux Oscars en 1997) est le premier long métrage de Nabil Ayouch, qui signera ensuite Ali Zaoura, prince de la rue et Whatever Lola Wants. Taoufik, brillant ophtalmologiste, s’apprête à participer à un congrès à Casablanca. Sa charmante femme Sophia l’accompagne, le couple fête son anniversaire de mariage à l’hôtel la veille du congrès, il semble épanoui. Pendant la nuit, ils sont victimes d’un obscur complot : Taoufik perd connaissance, Sophia est enlevée et violée. Elle parvient à retrouver son mari qui, en tentant de comprendre ce qui s’est passé, tue un homme impliqué dans le viol. Ce dernier s’avère être un policier. Aidé par le frère (également policier) de Taoufik, le couple, devenu hors-la-loi, entame une course effrénée à travers le Maroc pour échapper à ses ennemis.

La trame de Mektoub, en outre inspirée d’un fait divers des années 1990, est assez retorse. On a du mal à comprendre qui a organisé le viol, comment les criminels s’y sont pris, pourquoi ils ont choisi cette cible-là... Ce que l’on cerne, par contre, c’est que les ennemis du couple forment un puissant réseau d’intouchables. Si, dans les premières séquences, Taoufik et Sophia affichent leur réussite (amoureuse, professionnelle, sociale), ils deviennent ensuite très vulnérables. L’échelle des plans rend compte de ce changement : au début souvent en plan moyen, au centre du cadre, en position donc de maîtrise, ces personnages ne sont ensuite parfois que de petites silhouettes perdues dans le vaste désert qui semble les engloutir.

L’intérêt de Mektoub réside moins dans cette obscure intrigue que dans la peinture du Maroc qu’elle permet. Ce qui compte ici, ce sont les déplacements incessants de Taoufik et Sophia à travers le pays. A peine arrivés quelque part, ils doivent en repartir car la police approche. Ils parviennent toujours à s’échapper, en bus, en voiture, en marchant, en courant... Avec eux, nous traversons les paysages magnifiques de l’Atlas et découvrons le monde rural qui y habite. Le couple est citadin et a vécu quelques temps aux États-Unis. C’est donc en partie un regard vierge qu’il pose sur les contrées reculées et pauvres qui ne lui sont pas familières. Nabil Ayouch a le bon goût de ne pas insister sur le décalage entre la culture occidentale connue des protagonistes et les traditions marocaines qu’ils découvrent. Quelques répliques suffisent, le cinéaste a confiance en la capacité du spectateur à cerner cette donne là. Le couple étant marocain, sa position n’est pas non plus celle de l’étranger : elle est, plus subtilement, à la croisée, de la distance et de la proximité. C’est donc à travers ce regard que nous faisons connaissance avec un certain Maroc : village pauvre où a lieu une fête traditionnelle et dont la chef exprime son hostilité envers les privilégiés, insolite mécanicien attablé devant un tajine douteux, policiers incapables n’ayant visiblement aucune envie de travailler, paysans solidaires qui protègent les pourchassés... Portrait d’un pays, de ses paysages, ses coutumes et ses mentalités, Mektoub est aussi une galerie de portraits d’individus marquants. À travers leur périple, Taoufik et Sophia découvrent une part du Maroc et de leurs concitoyens qu’ils ignoraient.

C’est aussi leur relation amoureuse qui évolue au fil de leur course effrénée. Si, au début du film, le couple est visiblement épanoui, nous pouvons deviner certaines sources de tensions, que Nabil Ayouch suggère avec finesse, sans donner de précisions. Après le viol, Taoufik et Sophia communiquent peu, cette dernière restant longtemps choquée. Imperceptiblement, au cours de silences et de regards, nous sentons que quelque chose évolue entre eux. La lutte qu’ils doivent mener côte à côte contre un ennemi commun vraiment sérieux leur permet sans doute de résoudre leurs conflits intimes, dont on apprécie de ne pas cerner la nature. La relation entre Taoufik et son frère change également, encore plus imperceptiblement puisqu’ils ne sont pas ensemble (le frère aide le couple à distance) : crispés l’un envers l’autre au début du film, ils semblent se retrouver à travers leur traversée d’épreuves dangereuses (pour aider Taoufik, son frère se met dans des situations périlleuses).

Si l’on peut regretter quelques longueurs, notamment lors de moments où le film se recentre sur la trame policière que l’on n’a pas forcément envie de suivre, c’est avec une belle habileté que Nabil Ayouch utilise la base policière pour la dépasser vers quelque chose de plus vaste, de plus profond, la peinture d’un pays et l’histoire intime des personnages

Extrait de Critikat

A propos…
L’exigence est un exercice ardu qui mène parfois à la plus honorable des gratifications : offrir un instant d’oubli au public, lui donner aussi le sentiment d’avoir gravi des hauteurs. Nabil Ayouch a donné au spectateur un moment de rêve avec Mektoub, son premier long métrage. Le regain du cinéma marocain est donc possible.
Mais il est au bout d’un long chemin de souffrance. Celle du cinéaste qui veut mener son projet à son terme et celle des héros du film qui effectueront une plongée en enfer avant d’aboutir à un nouveau point de départ. Un départ qui mène peut-être vers un nouvel enfer. Tout dépend.
Deux êtres en perdition dans un désert absolu. La solitude au milieu d’un embouteillage dans un Meknès poussiéreux, solitude dans la gare routière d’un bourg saturé de soleil, solitude dans la détresse, solitude décuplée dès que le fil ténu de la compréhension entre deux amoureux est rompu.
Nabil Ayouch dit qu’il a cherché à faire un film qui ne se raconte pas. Si le cinéaste est exigeant avec lui-même, le spectateur peut être encore plus exigeant et estimer que le cinéma marocain tardait à trouver ses marques. Avec Mektoub, on a quitté les historiettes mièvres et les drames contrefaits. Parce que le film est aussi un polar, avec un scénario en béton.
abil Ayouch, qui dit que son film n’est ni meilleur ni pire que les autres, est modeste. On n’est pas tenu à la même modestie, on n’hésitera donc pas à bouder notre plaisir : Mektoub est une première, l’intrigue est osée et colle à la réalité crue du monde douteux des indics, des trafiquants de cannabis, des policiers véreux et du monde torride de la semi-mondanité et des vidéocassettes que l’on vend sous le manteau.
Le film explore les bas-fonds de notre vérité, celle de Tanger, mais il aurait pu aussi bien s’agir de Casablanca. Luxe contre misère. Sécurité contre survie.
Un premier choc, un choc délectable, dans Mektoub, les personnages parlent en marocain pur. Fini le semi-arabe classique ampoulé ou édulcoré. Avec l’arabe marocain, il ne faut pas glisser de néologismes empruntés - dans les deux sens du terme.
Mektoub fait aussi éclater le carcan des convenances hypocrites, sans mots crus. Nous replongeons dans un vécu bien saignant, que nous reconnaissons, que l’on a croisé ou dans lequel nous vivons.
Nabil Ayouch a créé des personnages et les a balancés comme des paquets dans un monde cruel. La descente aux enfers va d’un palace tangérois à la steppe brûlée où l’on ne rencontre pas même un lézard.
Nous avons un pays merveilleux, c’est à ce constat que l’on parvient lorsqu’on a vu ses travers et ses qualités. Le bilan donne une envie et une seule, s’y enfoncer pour passer des certitudes les plus ancrées à la précarité absolue. Le monde des certitudes est celui de l’ennui et du confort moral qui tue la réflexion et la découverte. Il n’y a pas dans la réalité de situation qui ne soit soumise aux impondérables.
C’est lorsqu’une vie bascule qu’elle révèle le monde à des yeux qui ne se reconnaissaient qu’entre les coins d’un logis douillet. Mettez un homme hors de ses marques familières et vous allez le découvrir nu, tel qu’en lui-même, ne puisant de forces que dans ce qu’il est, pas dans ce qu’il se croit. Mektoub c’est beau comme les gens, c’est intéressant comme le Maroc, c’est harmonieux comme la musique du film.

- Sélection officielle marocaine aux Oscars 1998
- Prix du Meilleur film arabe et Prix de la Meilleure première œuvre, Festival International du film du Caire
- Prix spécial du jury, Oslo
- Sélection dans une trentaine de festivals internationaux (Berlin, Rotterdam, Gant…)
- Plus de 350 000 entrées en salle au Maroc