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Alger après

Synopsis

A travers le prisme du traffic routier, le journal d’Alger au lendemain du Printemps Arabe.
Bloquée dans les embouteillages, Alger semble paralysée au regard de l’agitation qui règne dans les pays voisins en ces temps de printemps arabes. A bord d’un taxi collectif, les réactions des passagers nous informent sur ce qui empêche d’avancer.
Se dessine alors le portrait d’une ville agitée par une contestation sociale permanente, non violente, non spectaculaire et difficile à voir si ce n’est par son impact direct sur le trafic routier de la ville et la façon dont ses habitants y circulent.
Alger, après est le journal filmé d’Alger, aujourd’hui.

Thèmes : Société maghrebine , Algérie , Alger

Réalisateur(s) : Benzouaoui, Feriel

Type : Long métrage

Genre : Documentaire

Edition du festival : Maghreb des Films automne 2014

Directeur de la photographie : Marcel Morschhauser et Feriel Benzouaoui
Son : Ali Mahfiche
Montage image : Loanne Trévisan et Amin Sidi-Boumédine
Etalonage : Steven le Guellec
Montage son : Anne Dupouy et Sylvain Lambinet
Musique : The Feelies

Production : Bobi Lux et Capricci Films

 

Sélections en festival

2014
— 33e éditions des Journées cinématographiques du Val-de-Marne, France, L’OEil vers…l’Algérie
— FIFAM (Festival international du film d’Amiens), France, sélection Panorama : plein Sud
— RIDM (Rencontres internationales du documentaire de Montréal), Canada, sélection officielle

Distinctions

2016 : Images en bibliothèques - Paris (France) - Film soutenu par la Commission nationale de sélection des médiathèques
2014 : RIDM - Rencontres internationales du documentaire de Montréal - Montréal (Canada) - Compétition moyens métrages


"Je dois préciser ici les raisons qui m’ont poussée à réaliser ce film et qui tiennent essentiellement en la coïncidence entre un dispositif de filmage et une situation concrète.

Née à Alger, j’ai quitté cette ville pour la France en 1993. Y retournant régulièrement depuis, j’ai pu constater l’explosion démographique de la ville et surtout, l’inflation spectaculaire du nombre de conducteurs circulant dans les rues, créant en permanence un embouteillage géant. Cette inflation sur les routes n’est pas seulement le résultat d’une forte démographie ; elle est surtout liée à l’afflux de populations des villes et villages situés aux alentours d’Alger. Durant la décennie noire (années de terrorisme islamiste qui ont fait près de 200 000 morts en Algérie), ces populations sont venues se réfugier dans le centre et les banlieues d’Alger, capitale du pays quadrillée par les forces de police, territoire mieux protégé contre les attentats et assassinats.

Ce quadrillage permanent de la ville par des barrages policiers hérités de la période terroriste, allié à une augmentation spectaculaire de la population algéroise ont complètement modifié mon propre rapport à cette ville. Là où il me fallait 10 minutes dans les années 80 pour aller d’un quartier à un autre, il me faut désormais 1 heure, voire plus aujourd’hui. Mon corps d’algéroise exilée ne circule plus de la même façon à Alger, il est comme entravé, empêché d’avancer. C’est de cet empêchement imposé à mon corps qu’est née la toute première intuition de la possibilité d’un film.

Cette intuition a croisé la route de Réda, un chauffeur de taxi que je connais bien pour avoir été très souvent sa cliente. Quand je lui ai exposé, fin 2010, mon effarement devant cette situation de blocage routier, m’interrogeant sur ce que cet empêchement physique de circuler pouvait concrètement induire dans le quotidien des algérois, il a tout de suite détourné ma question : pour lui, les routes étaient bloquées du fait de manifestations et d’émeutes de quartier, plus que par l’inflation des conducteurs. Alger semblait secouée par une agitation sociale, ce qui me paraissait incroyable compte tenu de l’état de terreur dans lequel les algériens ont vécu dans les années 90. Incroyable surtout puisque les manifestations et regroupements de plusieurs personnes sont officiellement interdits depuis ces années-là, et qu’en conséquence, toute manifestation expose ses participants à un rapport de force avec la police, et donc potentiellement à une répression physique.

En passant 15 jours dans le taxi de Réda en juin 2011, je me suis rendue compte par moi-même de l’existence de ces contestations sociales, ponctuelles et éparses, totalement invisibles pour ceux qui ne circulaient pas dans la ville, et non relayées dans les médias étrangers qui étaient concentrés sur d’autres pays du Maghreb, en plein printemps arabe. Ce qui a été immédiatement clair pour moi, c’est qu’il y avait là matière à faire un film. Un film qui poserait la question du rapport entre, d’une part, l’existence possible d’une démocratie en Algérie où les désaccords et revendications sociales pourraient s’exprimer dans l’espace public sans danger de répression et, d’autre part, la nécessité de protéger cette même population du risque terroriste en imposant un contrôle permanent du territoire et des identités. Autrement dit, comment la démocratie peut-elle s’installer et durer sous la double conjonction de la terreur islamiste et du contrôle policier rendu nécessaire par cette terreur ?

Cette question ne pouvait être explorée qu’à partir du taxi de Réda : en circulant à bord de ce véhicule au gré des trajets dictés par les clients du taxi, il devenait possible de donner à voir d’une part le blocage physique et matériel d’une ville et de ses habitants et d’autre part, les 1001 façons dont l’expression individuelle ou collective d’une contestation prend forme sur un territoire à la fois traumatisé et ultra-sécurisé."

Article extrait de la revue Ping Pong