Image : Sébastien Saadoun
Son : Graciella Barrault
Montage : Marielle Issartel et Emilie Desjardins
Production : 13 Production
Yvonne, Mimoun, Colette, Jean-Jacques, Milo et Jean-Louis ont disparu les 28 et 29 juin 1962, à la veille du scrutin qui devait donner l’indépendance à l’Algérie.
« C’était vendredi matin et ta grand-mère elle mis le couscous sur le feu, elle croyait revenir à midi. Elle m’a dit, regardez,montez voir, j’ai mis le couscous, montez évaporer le couscous, à midi on sera là... »
Perpignan, juin 2002.
Mon père est mort. Sur sa plaque tombale, je découvre quatre noms que je vois pour la première fois : Yvonne Cohen, Mimoun Cohen, Colette Sicsic, Jean-Jacques Sicsic. Respectivement : ma grand-mère, mon grand-père, ma tante, mon oncle. Sous les noms, cette inscription : « disparus en Algérie en juin 1962 ».
Qu’est-ce que ça veut dire, disparus ? J’avais un grand-père et une grand-mère que je ne connaîtrai jamais. Disparus. Disparus aussi, dans les mêmes circonstances, un oncle et une tante. Ils sont morts. L’Etat civil a fini par en décider ainsi. Ils sont morts deux fois puisqu’on les a effacés de nos mémoires. Je me rends compte que je ne connais pas les prénoms de mes grands parents. Que j’ignorais que mon père avait une sœur ainée. Que je n’ai jamais vu de photos…
Que leur est-il arrivé ? Qu’ont-ils fait pour mériter ce silence qui a fait disparaître jusqu’à leurs noms de la mémoire de leurs descendants ? Pourquoi mon père m’a-t-il tenue à l’écart jusqu’à faire de moi une étrangère à ma propre histoire ? Pourquoi s’est-il enfermé, sa vie durant, dans un silence têtu ?
C’est d’abord ce silence que j’interroge à travers ce film…
Road-movie, enquête, film historique, quête initiatique, portrait de famille, « Algérie 1962, l’été où ma famille a disparu » est tout cela à la fois. Grâce aux photos retrouvées, aux films de famille, aux lettres conservées, aux témoignages, aux images d’archives, se dessine l’histoire singulière d’une famille au destin brisé pendant la tourmente de cette période trouble qu’on appelle aujourd’hui « La guerre d’Algérie ».
Hélène Cohen
Téléchargez l’article paru dans Libération le 16 mars 2012