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Algérie du possible

Synopsis

En rencontrant ses anciens compagnons de combat, le film suit le parcours d’Yves MATHIEU, anticolonialiste en Afrique Noire puis avocat du FLN. La vie d’Yves MATHIEU est rythmée par ses engagements dans une Algérie qu’on appelait alors « Le Phare du Tiers Monde ». La réalisatrice, qui est sa fille, revient sur les conditions de son décès en 1966.

Thèmes : Algérie

Réalisateur(s) : Candas, Viviane

Type : Long métrage

Genre : Documentaire

Année : 2015

Durée : 82’

Scénario : Viviane Candas

Image : Frédéric Mainçon (France) / Nasser Medkane, Viviane Candas (Algérie).

Montage : Claudine Dumoulin

Musique : Pablo Cueco

Production : Seconde Vague Productions

Distribution du film en France : Les Films de L’Atalante

Avec la participation de : Ali Haroun, Meziane Cherif, Jacques Vergès, Ahmed Ben Bella

Bande Annonce

Extrait d’un entretien réalisé par Olivier Hadouchi

La genèse du film remonte à l’événement lui-même, l’accident de voiture qui a tué Yves Mathieu, mon père, le 16 mai 1966. Parce qu’il y a un doute sur les circonstances de cet événement. Ce doute est le moteur de départ du film, il dessine son espace en terme de mémoire et de matière à la réflexion cinématographique. 

Mais je dois dire que l’idée d’en faire un film est venue très tard, car c’était un projet difficile qui nécessitait une certaine maturité sur le plan humain et artistique.
Elle remonte au printemps 2009, moins d’un an après la mort de ma mère, en mai 2008.
À sa disparition, j’ai retrouvé des documents qui témoignaient de la proximité de mon père et de Chérif Belkacem dit "Si Djamel", dont j’avais bien sûr entendu parler. Mais je ne savais pas qu’ils avaient été amis et très proches. Une lettre atteste qu’ils se voyaient tous les jours à l’époque de 1962-63. J’ai téléphoné à Si Djamel en février 2009 et nous avons décidé de nous rencontrer le plus vite possible. Mais je ne pensais encore qu’à effectuer un dépôt des archives des documents retrouvés après la disparition de ma mère.
Le désir de faire le film, tout cela m’est venu d’un coup, quand j’ai appris qu’une deuxième édition du Festival panafricain allait se tenir à Alger en 2009, après celui de 1969 qui est mythique, à l’époque où l’Algérie était encore considérée comme le phare du tiers-monde.
La relation de l’Algérie avec les luttes d’indépendance d’Afrique noire étant un axe majeur de l’engagement d’Yves Mathieu, j’y trouvais là celui de mon film.
J’ai acheté une petite caméra haute définition et pris le bateau pour Alger.

Et ensuite, tu développes une intrigue autour de cet accident, tu nous invites à découvrir le parcours de ton père.

V.C. : Je me suis retrouvée face à un véritable puzzle, à une multitude d’éléments, parfois très intéressants mais trop complexes à expliquer, comme par exemple son exclusion du PCF à cause de son adhésion au FLN.
J’ai dû faire des choix car je ne pouvais pas tout garder. Parmi les éléments les plus saillants, il y avait bien sûr son engagement anticolonialiste en Afrique subsaharienne en 1950, puis pour l’indépendance de l’Algérie en tant qu’avocat du FLN. Enfin, sa collaboration avec Ben Bella, la rédaction des décrets sur les biens vacants, et l’expérience de l’autogestion.
Mon père, et ma mère avec lui, se sont engagés dans l’Histoire, qui passait avant la vie de famille.
Si j’ai parlé de mon drame personnel, le deuil rendu impossible par le doute, c’est afin de donner une dimension universelle au film.
Quand j’ai écris le scénario, mon ami Michel-Antoine Burnier m’avait dit : "Si tu veux que les spectateurs français écoutent de vieux Algériens parler d’autogestion, il faut que tu les touches d’abord avec ton drame personnel, à savoir la mort de ton père et l’impossibilité de savoir la vérité".
Le spectateur peut y voir un film à clés, mais qui lui laisse une totale liberté d’interprétation, à condition que lui soient transmis les éléments de compréhension du contexte historique et politique compliqué dans lequel survient la mort d’Yves Mathieu. Or, cette histoire de la décolonisation et de ses acteurs, de cette génération très courageuse, a été gommée en France.

J’avais peu de documents autour de mon père. Quelques écrits, mais aucun enregistrement sonore.
Et puis, un bout de film 8 mm tourné par son cousin en ex-Yougoslavie durant l’été 1965, nos dernières vacances. Nous étions partis en famille, avec mes grands-parents (1) car mon père s’intéressait beaucoup à l’expérience yougoslave de l’autogestion. Depuis la rédaction des décrets sur les biens vacants, l’autogestion a vraiment été sa grande expérience révolutionnaire ! Tous ces comités de gestion qui fleurissaient, et qui s’accompagnaient d’autres urgences pour le jeune État algérien, comme l’alphabétisation.

Ton film commence par une sorte de black out, de trou noir, tu pars de l’image d’un trou noir, comme une sorte de motif.

V.C. : Je m’intéresse depuis longtemps au motif et à la symbolique du trou noir. Dans un précédent film, Suzanne, le héros évoquait déjà des trous noirs, des lieux d’antimatière qui aspirent toute la matière vivante. Le trou noir, c’est l’image manquante, c’est ce qui aspire la lumière.
Je garde de mon arrivée en Algérie en 1963 (2), un souvenir lumineux. Je suis éblouie par tout ce que je vois. L’Algérie est le pays du désir, car durant ma petite enfance, mes parents sont souvent absents, partis plaider là-bas, tous deux étant avocats du FLN. Je voulais par dessus tout les y rejoindre. Dans le prologue, je lis une lettre de mon père qui évoque la beauté du pays et sa lutte pour la liberté.

Ton film a une structure circulaire, n’est-ce pas ? Est-ce que tu t’es inspirée de la structure circulaire de Nedjma de Kateb Yacine ?

V.C. : Au départ, oui, j’ai pensé à Nedjma qui possède une structure plutôt en spirale. Elle valorise la récurrence, la répétition. Dans le film, on revient plusieurs fois sur des images de la route entre Constantine et Skikda où eut lieu l’accident, c’est la récurrence, en spirale, de l’obsession. On se situe dans une linéarité qui se déploie, et on revient toujours au même point. A priori, cela complique les choses de revenir plusieurs fois au même point, sauf qu’à la fin, nous savons qu’en empruntant une dernière fois cette route, nous n’aurons plus besoin d’y revenir.

Est-ce que l’engagement de ton père et de cette génération algérienne a encore des choses à nous dire, selon toi ?

V.C. : Évidemment, car la mémoire est révolutionnaire.
C’est elle, si on l’explore, qui peut fournir les utopies qui manquent tant à notre époque. Je souscris totalement aux propos de Ben Bella quand il dit que l’on doit remercier ces hommes, malgré les loups, les règlements de compte.
Cette génération mérite qu’on lui dise merci, on ne l’a pas assez fait. Il est vital et essentiel de transmettre ses combats.
Dire et montrer que cela a été possible.
Pour que la jeunesse élargisse le champ des possibles et n’ait pas peur de faire de grandes expériences, il faut que la mémoire des expériences précédentes lui soit transmise. Elle trouvera comment s’en servir.

Autre revue de presse

Algérie du possible palpite de cette tension entre ce qui est et ce qui manque, entre histoire et légende, mémoire et refoulé, douleur et vitalité.
Et, par-delà les secrets, les doutes, les aveuglements, c’est toute une dynamique qui se construit dans la circulation entre les documents hétérogènes, l’émotion à titre individuel de la voix off et les éléments d’informations qu’elle fournit, les ellipses assumées et la qualité d’écoute.
Ce beau travail de cinéma engendre bien mieux que la sortie de l’oubli de faits et gestes, de pensées et d’actes occultés par les histoires officielles : la possibilité d’en retrouver l’élan et l’esprit qui, eux, n’appartiennent pas seulement au passé.


Algérie du possible, article de Lucien Logette (Jeune Cinéma, ligne directe)

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