Année 1956 / 14’
Scénario : Sassi Rjeb
Image : Pierre Clément
Montage : Cécile Decugis
Avec : Claudia Cardinale
Dans la foulée de Plages tunisiennes, Vautier - toujours avec le chef opérateur Pierre Clément - a tourné un deuxième court métrage : Les Anneaux d’or. Le film raconte un événement périphérique de l’indépendance tunisienne. Celle-ci à peine obtenue, des propriétaires de flottes de pêche décident de vendre leurs bateaux, faisant perdre leur travail à de nombreux pêcheurs. Les femmes de ces derniers se mobilisent, rassemblent tous leurs anneaux d’or qui, vendus, vont permettre de racheter les bateaux. Le carton qui ouvre le film rend ainsi hommage aux femmes d’Al Mahdiya qui ont contribué à l’essor de l’économie tunisienne, grâce à l’hypothèque de leurs bijoux et la fondation de la Mutuelle de la Conservation du Poisson. Il rend hommage plus largement à la femme tunisienne, « active et émancipée ».
La voix d’un jeune homme raconte comment s’est répandue à travers le pays l’histoire des femmes de son village. Il prend le temps de raconter la vie de sa petite communauté, célébrant la beauté de son bled et expliquant l’importance de la mer et de la pêche dans leur culture et leur économie. Depuis la nuit des temps, raconte-t-il, les hommes sont pêcheurs et il ne peut en être autrement. Les images et les mots nous montrent un village idyllique, peuplé d’enfants joueurs et riants, d’hommes fiers de leur travail et de leur vie. Nulle richesse dans ce village, sinon les anneaux d’or que les femmes mariées portent à leurs chevilles. Parmi les figurantes, on reconnaît Claudia Cardinale, alors simple lycéenne de seize ans à Tunis, qui accepte de jouer dans le film uniquement parce qu’elle y est poussée par son père.
Mais ce qui semblait immuable se heurte un jour au monde moderne. Un gros armateur - que l’on comprend être un colon - tire profit des pêcheurs, plongeant le village dans la famine. Sa flotte de bateaux chasse le poisson à 25 miles de la côte et les pêcheurs doivent dès lors être remorqués par sa flotille pour atteindre les zones de pêche, rendant les villageois complètement dépendants de l’armateur. L’indépendance ne résout pas le problème, le gros propriétaire décidant de vendre sa flotte et de se retirer en Sicile. Une délégation va lui demander un des six bateaux mais il demande quatre millions de francs aux pêcheurs. Bateaux et maisons ne valent qu’un million de francs en hypothèque et c’est alors que les femmes rassemblent leurs anneaux d’or pour compléter la somme et sauver leur village et leur mode de vie.
La réalisation du film est portée au crédit de Mustapha Alfarissi afin qu’il puisse concourir comme film tunisien au Festival de Berlin-Ouest 1958, où il remporte l’Ours d’Argent. Une récompense méritée pour cette belle fable solaire et humaniste.
(Extrait d’un article de Olivier Bitoun)