Année 1972
Durée : 97’
Scénario René Vautier
Image Pierre Clément
Son Antoine Bonfanti
Montage Nedjma Scialom
Musique Yves Branellec et Pierre Tisserand
Production U.P.C.B. - Unité de Production Cinématographique de Bretagne.
Distribution Cinéma Public Films.
Avec Philippe Léotard, Alexandre Arcady, Hamid Djellouli, Jacques Canselier, Jean-Michel Ribes, Alain Scoff, Jean-Jacques Moreau, Michel Elias.
Le commentaire de Marion Pasquier
Avoir vingt ans dans les Aurès, mourir dans les Aurès. Tel est le destin de Noël, membre d’un contingent d’appelés bretons insoumis et pacifistes que le lieutenant Perrin (Philippe Léotard) aura réussi à engager malgré eux dans l’horreur de la guerre. Noël était le seul à n’avoir jamais utilisé son arme, le seul à être allé au bout de ses convictions en libérant un prisonnier algérien promis à la "corvée de bois" et en désertant avec lui dans le désert des Aurès. Il mourra tragiquement et sa mort sera opportunément utilisée par son lieutenant pour appeler ses hommes à la vengeance contre les algériens. A une mort reçue, une mort rendue.
C’est en leur faisant assimiler ce principe que les dirigeants des appelés ont amené ces derniers à devenir des tueurs. "Au début on tire n’importe où parce qu’on a la trouille, après on vise parce que l’on y prend goût" raconte l’un d’eux. Par le biais du récit d’un soldat instituteur blessé, Avoir vingt ans dans les Aurès nous montre le mécanisme conduisant des insoumis à devenir des exécutants dociles. En exergue du film, René Vautierexplique par des cartons que sa fiction résulte d’une enquête menée sur des centaines de soldats, que tous les faits pourraient être confirmés par au moins 5 personnes. La fiction prend bien valeur de document.
Dans certaines séquences, on sent un basculement vers la chronique : lorsque les soldats racontent face caméra, ou lorsque cette dernière, en mouvement, prend le temps de décrire les êtres à l’écran, les appelés portés par l’énergie du groupe ou, dans un très beau moment, la famille d’algériens accueillant Noël dans leur tente et s’occupant de lui. Le récit, alors, fait une pause, pour nous permettre de contempler les personnages, de nous approcher d’eux.
Avec ce film, René Vautier pose un acte antimilitariste efficace. Via un récit scandé par des chansons disant l’ignominie du combat ("fous pas / ton pied dans cette merde / c’est une vraie histoire de fous"), il démontre le mécanisme effrayant par lequel tout pacifiste peut se transformer en machine à tuer, happé par la violence de la guerre.