Autre titre Chaqiaw al-çoumt al-’anif` / Le silence violent
Année 1975 / 90’
Scénario et dialogue Moumen Smihi
Image Mohamed Sekkat
Montage Claude Farory
Production IMAGO Film International
Distribution Cinémathèque de Tanger (CDT)
Avec Aïcha Chaïri, Khadija Moujahid, Majdouline Abdelkader Moutaa, Leila Shenn
A propos…
Presse Africiné
Le réalisateur Moumen Smihi est un des pionniers du cinéma marocain. Son premier film, El Chergui, est l’un des chef-d’œuvres du cinéma marocain et a remporté de nombreux prix. Il a été célébré par la presse nationale et internationale pour son courage à traiter dès 1954 de la condition de la femme marocaine sous le joug de son époux.
Ce film est fort, tant au niveau de sa matière (la situation critique de la femme) qu’au niveau de la distribution des rôles, ou encore le montage et le découpage des scènes.
Le film s’ouvre sur la ville de Tanger, au cours des dernières années du colonialisme. La caméra se promène dans les rues et les maisons en toute liberté ; elle s’arrête de temps en temps pour inscrire le nom d’une rue ou d’une place. On change de quartier pour entrer dans une maison.
Dans cette maison, une vielle femme qui ne cesse jamais de demander l’aide de Dieu (en parlant avec elle-même), une charmante épouse et son fils. Il y a aussi le mari ainsi que la présence d’une jeune fille malade (atteinte de dépression).
La beauté de l’épouse est éclatante, mais elle est triste à cause de la volonté de son mari d’épouser une autre femme plus jeune qu’elle. Quant à l’enfant, il voudrait bien pouvoir sortir vadrouiller.
L’histoire du film est centrée sur la volonté de ce mari qui souhaite se marier à nouveau, et le désir de sa première épouse, AÏcha, qui essaie de le faire renoncer à ce projet. Ce qui mène la jeune femme à visiter des Fqihs, charlatans, pour l’aider dans cette lourde mission.
La structure de ce film, belle et forte, est régie par le drame du conflit. C’est tant au niveau des personnages (le mari et son épouse) qu’au niveau des cadres spatiaux où se déroulent les événements. Ces espaces sont différents entre eux. Il y a les maisons isolées où les familles vivent leurs problèmes loin des yeux des autres, ainsi que les rues et marchés où l’œil peut tout capter. Ces différences-là aident le réalisateur à développer la structure dramatique du film et à la rendre viable pour travailler sur les contrastes.
En dehors de ces espaces où il est prisonnier, le jeune garçon de la famille essaie de vivre en toute liberté, en allant avec ses amis à la mer. Ce n’est pas non plus un lieu tranquille puisqu’ils ont quelques fois des querelles entre eux, et parfois avec d’autres gosses de la ville.
Moumen Smihi, en faisant ce film, essayait de peindre la société marocaine avec beaucoup de sincérité et du courage aussi, en s’appuyant sur la cause des femmes pour arriver à décrire le résultat de l’ignorance sur les gens et leur destin tragique.
Le film était en avance sur son temps, en soulevant la question des femmes, la recherche de l’amour perdu et les relations conjugales pleines de problèmes. Il y a aussi la question de la sorcellerie, celle de l’autorité totale des hommes dans la société traditionnelle.
D’autre part, l’innovation réside aussi en particulier dans la façon professionnelle et intelligente du réalisateur de construire ce film qui repose sur la coupure des scènes reliées d’une manière très cinématographique en suivant l’action.
Grand prix, Prix de la Critique, Prix de l’Association d’Art et d’Essai, Festival de Toulon