Année : 2012
Durée : 35’
Scénario : Amin Sidi-Boumédiène
Production : Thala Films Production
Distribution : Thala Films Production
Avec : Cédric Camus, Kader Affak, Yacine Sahraoui
L’Île - Al Djazira : Une traversée au cœur de Soi
(Extraits d’un Article de Nadia Agsous)
Qu’évoque le titre de votre film ?
Il renvoie à la position du personnage, qui a "échoué" sur une île et à sa solitude, l’un des thèmes principaux du film. Ce "naufragé" devra découvrir sa nouvelle terre et la dompter pour s’y installer. Il évoque également le temps et l’espace. Car métaphoriquement, cette île est le seul lieu du temps où il devra vivre et qu’il ne quittera plus. Puis il fait écho au nom de l’Algérie (et d’Alger) puisque "El Djazair" signifie "les Îles".
La question de l’identité de l’homme-Scaphandre, le personnage principal, est inévitable : est-il un réfugié, un "colonisateur" qui s’installe dans la ville clandestinement ? Comment avez-vous construit ce personnage à l’allure robotisée ?
Je comprends que les questions relatives au personnage soient inévitables, mais il m’est difficile de le révéler. D’abord, il y a une méprise : cet homme n’est pas un "scaphandrier". Il ne vient pas de la mer. Le costume et sa présence sur la crique sont des métaphores. S’il était arrivé par la mer, le début du film n’aurait pas de sens puisque son premier geste est de contempler la mer qu’on imagine absente du monde apocalyptique quitté. J’avoue avoir un peu joué sur la confusion.
Le personnage n’est pas un héros. Il s’exile pour une raison que je laisse à l’appréciation du spectateur (invasion, sauvetage ou autre) qui jugera le personnage selon ses propres peurs, préjugés ou espoirs. Pour ma part, je le conçois comme un réfugié venu sauver sa peau.
La lenteur de l’action, l’économie de langage, le silence, l’atmosphère entre chien et loup (l’aube), le mystère, l’étrange, le suspense sont des aspects qui caractérisent votre démarche cinématographique. Est ce par le biais de ces procédés que vous cherchez à susciter l’implication des spectateurs/trices ?
J’aime les cinémas "d’atmosphère" où règne une ambiance et où l’univers est un tout inaliénable plutôt qu’une succession de saynètes rationnelles et "parfaites". Il est encore trop tôt pour déterminer le style de cinéma que je veux réaliser. Je ne pense pas poursuivre dans la même veine que mes derniers courts-métrages. Mais j’envisage de créer des univers à la fois parallèles et extrêmement proches de nos vies (ces deux notions ne sont pas antinomiques).
Alger est représenté comme une terre d’immigration. Quelle est la signification de cette vision ?
Alger est potentiellement une terre d’immigration comme dans le passé. Elle ne l’est plus vraiment aujourd’hui mais peut le (re)devenir. L’important est le rapport que l’exilé entretient avec sa nouvelle terre d’accueil. L’histoire aurait pu se passer n’importe où. Mais l’effet miroir est saisissant puisque, d’habitude, Alger est une ville d’émigration. C’est le cas de Omar, l’adolescent du café qui montre que l’exil n’est pas - toujours - une question de territoire ou de survie. Alors que le personnage principal vient sauver sa peau, Omar désire changer de vie. Cette notion est très importante à mes yeux car elle souligne le désir de vivre en accord avec nos envies, nos besoins.
Alger permet une lecture supplémentaire car c’est une ville "virtuellement" abandonnée, à la fois proche et très étrangère, même si on ne se l’avoue pas toujours. Ces immeubles, ces rues, ces routes et autres paysages façonnés par la présence française nous rappellent sans cesse que notre identité est à définir. Alger est la preuve que nous avons été des étrangers dans notre pays. Cette sensation perdure dans nos pensées, nos actes, notre vision de l’avenir. Sans passé clair, l’avenir est difficile à "construire". Si une nouvelle guerre mondiale devait décimer les pays puissants de la planète, on peut espérer, et pourquoi pas parier, que l’Afrique sera le nouvel eldorado mondial : la fameuse "zone 4"...