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Inland

Synopsis

Malek, un topographe accepte une mission dans une zone isolée, meurtrie par des groupes armés qui ont terrorisé la région il y a à peine une dizaine d’années. Il commence les repérages et en rentrant au camp de base découvre une jeune femme. Elle parle à peine anglais, parle à peine tout court. Malek décide de l’emmener vers le Nord pour lui faire passer la frontière. Mais épuisée elle ne veut plus fuir vers l’Europe, et lui fait bifurquer, vers le désert.

Thèmes : Société maghrebine

Réalisateur(s) : Teguia, Tariq

Pays de production : Algérie

Type : Long métrage

Genre : Drame , Fiction

Titre original : Gabbla

Année : 2008

Durée : 140’ 

Scénario : Tariq Teguia

Contact : Contre- Allée Distribution contre-allee@hotmail.fr / 01 42 46 27 42

Avec : Kader Affak, Ahmed Benaissa, Ines Rose Djakou, Fethi Ghares, Djalila Kadi-Hanifi, Kouider Medjahed

En forme de road-movie qui tourne le dos à la ville, s’enfonce dans le pays et donne à voir des espaces dévastés, des villages et maisons abandonnés et quelquefois calcinés, des arbres coupés, des ruines récentes dans certains cas, précise Tariq Teguia, Gabbla|Inland a le souci de "documenter l’Algérie sur elle-même, dit encore le cinéaste, car le pays, toutes catégories de publics confondues, en a, à l’évidence, grandement besoin. Tariq Teguia a tourné avec une équipe restreinte et très mobile pour lui permettre "à la fois d’improviser et de se réajuster". Un choix qui laisse du champ à une part documentaire dans la fiction, qui la laisse advenir et lui laisse du temps. Outre la place faite au silence qui oblige à mieux y regarder, le film fait montre d’une étonnante fluidité de la langue parlée à la ville comme à la campagne.

Malgré le sentiment général d’abandon et de désolation qui se dégage de son film, Tariq Teguia fait observer que ses "personnages sont du côté de la vie et ne sont absolument pas suicidaires. Ils sont, au contraire, l’expression d’une formidable envie de vivre". Au final, cela devient un cinéma très physique et "on peut dire que j’ai fait un road-movie qui ne se termine pas sur une destination donnée, mais sur un espace ouvert", résume le cinéaste.

Le commentaire de Wassyla Tamzali
Publié en mai 2013 dans Le Quotidien d’Oran (ultérieurement dans les Temps Modernes), aux côtés de 6 autres commentaires (Yasmina de Lakhdar Amina, Noua d’Abdelaziz Tolbi, Tahya ya didou ! de Mohamed Zinet,La Nouba des femmes du Mont Chenoua deAssia Djebar, Nahla de Farouk Beloufa, Demande à ton ombre de Lamine Ammar-Khodja)

Inland de Tariq Tegia, ou le passage des frontières

Rien. Rien ne l’aura retenu. Ni la promesse faite à son enfant, la petite Nahla (Farouk, les jeunes ne t’oublient pas, Inland inscrit Nahla près de Nedjma dans les plis de notre imaginaire, nous les romantiques définitifs), ni la patience tenace de son ami qui le retrouvera là où on ne retrouve personne, ni le corps somptueux de la jeune fugitive noire qui se donne à lui avant de passer la frontière. Il finira sa vie, pendu à un arbre. Tel un fruit étrange, strange fruit, il sera cueilli au petit matin, et étendu tout doucement dans l’herbe par ces derniers compagnons, les hommes des fermes environnantes abandonnées, les chômeurs de l’Algérie postsocialiste. Le choix de ces hommes n’est pas fortuit, tout le long du film le réalisateur, sans plus y croire, mais avec une ancienne fidélité dénonce les plaies ouvertes de ce pays qui ne le retient plus. Rien. Ni la beauté du Monde si présente dans le film. Tariq Tegia sait la faire parler. C’est sans doute le premier film algérien qui va aussi si loin dans l’esthétique et la recherche d’un langage cinématographique. Pari réussit, il recevra la reconnaissance internationale de ses pairs. Les deux longs métrages du réalisateur ont été retenus, chose rarissime, coup sur coup, en 2007 et 2008 par la Mostra de Venise. Tariq T.est ambitieux, sa référence à Howl de Guinsberg met la barre très haut, elle place au cœur de l’œuvre la poésie comme dernier recours du sens. Citons également la longue séquence du poète paysan et cette fête dans la nuit éclairée par les phares des voitures qui n’est pas sans nous renvoyer à Pasolini avant qu’il quitte Casarsa, « ce vieux bourg peuplé d’antiques figures de fermiers ». Inland, ce film long et lent est d’un parti pris formel extrême. Disons le, Tariq Tegia est un cinéaste radical. On le savait déjà par Roma plutôt que vous, qui tout en étant très différent porte la même exigence.
L’âme du film, Inland, est là dès les premiers plans. Le cinéaste réussit la prouesse de filmer les mirages qui accompagnent habituellement les voyageurs qui se risquent dans les déserts. Tous ne font pas de leur descente au désert un voyage initiatique à la mort. Lui oui, il brule à la lumière incandescente, et peu à peu il abandonnera les pauvres choses qui faisaient de sa vie un semblant de vie. Mais tout au long de ce road movie désespéré, il demeure en empathie avec les petits, les perdus, les jeunes, les révoltés, les chômeurs qu’il rencontre, qu’il croise. Cette bonté pour l’humanité est une particularité inattendue du film, inhabituelle dans ce genre d’histoire. Mis à part les flics tous les personnages du film sont des personnages positifs en quelque sorte. La femme de laquelle il divorce est une amie, attentive, soucieuse de son état « Tu n’es pas content ? », les travailleurs, les paysans, les bergers sont solidaires avec lui et l’aident dans la mesure de leurs moyens, jusqu’au bout il s’intéressera à leurs problèmes. La jeune fugitive lui offrira ce qu’elle a, son corps. Elle chantera après, dans un chant de reconnaissance à la vie. Cet amour des gens, la bonté de tous pour lui et malgré tout le choix d’en finir introduit dans le film une tension qui explique sans doute que nous restions fascinés du début à la fin. Un suicide paisible qui ne laisse pas le spectateur s’échapper.
Nahla, je l’ai dit était le dernier film que j’ai vu à la cinémathèque, Inland est le premier film qui me fait renouer avec le cinéma en Algérie. Un film intelligent, d’une maturité esthétique surprenante car né de la plus grande des solitudes, dans un pays qui n’a plus de cinéma. Un film qui s’inscrit dans le cinéma/monde, qui fait éclater les frontières que nous, ma génération, nous les cinéastes, les intellectuels, les écrivains avions dressées entre nous et le monde tant nous étions prisonniers d’une idée meurtrière du pays. S’il n’y a plus de cinéma algérien, aujourd’hui il y a des films algériens qui écrivent le Cinéma. Inland est un ceux là. Une des jeunes femmes du film dans cette succulente scène entre de jeunes intellectuels algériens très prolixes en paroles, dis à l’un d’eux « Bazarde ! Bazarde ! Ce n’est pas la société qui va éclater, c’est toi ! Demande toi ce qui ne va pas, avec ton corps, tes rapports avec les femmes ! Bazarde ! Bazarde ! » Elle le, elle nous pousse à nous libérer. Dégage dit-elle.