Allez voir d’urgence La Traversée, un film de Elisabeth Leuvrey, sorti en salles mercredi 17 avril (sur seulement 2 écrans à Paris, 9 en régions !)
Chaque été, ils sont nombreux à transiter par la mer entre la France et l’Algérie, entre Marseille et Alger.
Des voitures chargées jusqu’au capot… des paquetages de toutes sortes… des hommes chargés de sacs et d’histoires.
En mer, nous ne sommes plus en France et pas encore en Algérie, et vice-versa.
Depuis le huis clos singulier du bateau, dans le va-et-vient et la parenthèse du voyage, la traversée replace au cœur du passage ces femmes et ces hommes bringuebalés.
Elisabeth Leuvrey a filmé 6 traversées Marseille-Alger et a monté les témoignages recueillis sur un seul aller et retour.
Témoignages bouleversants, toute la dureté et la souffrance de l’émigration sont là, et le passé des 130 ans de colonisation qui ne passe pas, les papiers, les visas, obsession de tous les non Français … racontés dans le langage fleuri des Algériens.
Lucidité absolue sur la France, sur le « mépris » de la France, sur le regard qui est posé sur eux… car il s ‘agit surtout d’ « eux » .. ;
« Elles » parlent moins sauf une dame très distinguée qui égrène les nationalités qui lui ont été attribuées tout au long de sa vie : indigène, Français musulman, Français, Algérien ….
Une femme porte le visage de sa fille sur son épaule, cette dernière va reprendre son boulot de caissière à Mac Do et manifestement redoute de recommencer ….
Absents, les pères sont des figures obsédantes, tous ces hommes regrettent de n’avoir pas connu leur tendresse et évoquent en retour la tendresse vis à vis de leur fils ….
De beaux visages d’hommes, qui laissent lire leur histoire si complexe, si mêlée ..qu’ils racontent avec cet art de la métaphore qui rend les choses si pleines de "tout le lait de l’humaine tendresse" "
Un hommes séparé de sa famille qui revient au bled pour les vacances l’angoisse au ventre (« 3 jours avant le départ je ne peux plus manger… »), des ex-trabendos qui racontent le passé glorieux du trabendisme, des « reconduits à la frontière », …
Mais où sont-ils ? Ici en France, là-bas en Algérie, entre les deux ?
« Demain je sais que je vais être au bled, et ce bled, je ne le connais pas.
Je me fais croire que je retourne en Algérie et que je retourne chez moi.
Je ne retourne pas chez moi parce que je sais que ce n’est plus chez moi. J’y retourne parce que je me suis retrouvé malgré moi dans la place de mon père »
Mais ne vous attendez pas à voir la baie d’Alger, ni l’arrivée à Marseille ! sans doute cela aurait fait trop cliché.
Pour en savoir plus, rendez-vous sur la page consacrée au film