Editorial : un automne tunisien
Le cinéma du réel en Tunisie : jeunesse en effervescence, redécouverte identitaire et libération de la mémoire.
Après Babylon et C’était mieux demain (2012), le cinéma du réel tunisien poursuit son printemps, avec un cinéma de l’urgence sociale, où les femmes et la jeunesse ont toute leur place. De qualité inégale, il tâche de rendre compte des problèmes d’un pays qui s’attarde dans la transition. Kaouther Ben Hania profite de cette période intense pour confirmer son talent : après Peau de colle, Le Challat de Tunis est un premier long-métrage tranchant et féroce. Hamza Ouni a quant à lui tiré parti de la libéralisation politique pour faire aboutir un projet maintes fois avorté : El Gort. Fils d’une banlieue délaissée, il a filmé pendant six ans le banal et terrible quotidien de deux de ses amis : primé à Abu Dhabi, Tunis et tout récemment encore à Leipzig, unanimement reconnu comme l’emblème des frustrations de la jeunesse tunisienne, le film aurait été une véritable bombe sous Ben Ali.
Mais le temps passé depuis la Révolution a fait également prendre une certaine ampleur à l’art et à la perception de la réalité de certains documentaristes reconnus : outre des expérimentations formelles, on note quelques retours sur des aspects méconnus de l’identité tunisienne, comme sa part africaine ou sa culture mystique. Ridha Tlili reste par exemple attaché à la culture populaire et politique de Sidi Bouzid, sa région de naissance et le berceau de la révolution, mais leste son dernier film (Controlling and Punishment, 2014) d’une profondeur théorique, esthétique, politique et historique encore plus poussée que dans ses précédents films (Teriague, 2009 ; Révolution moins cinq minutes ; Jiha, 2011...). Hichem Ben Ammar, infatigable promoteur du documentaire tunisien, a lui aussi utilisé ces années post-Révolution pour réactualiser son thème de toujours : la mémoire. Le contexte autorise en effet ce conservateur enthousiaste des traditions populaires les plus incongrues (Cafichanta, J’en ai vu des étoiles, O ! Capitaine des mers, Femmes dans un monde de foot, etc.) à ouvrir le dossier brûlant de la torture (Mémoire Noire, 2013), comme un encouragement à la mémoire et à la réconciliation nationale.
Le programme
Samedi 6 décembre au Studio des Ursulines
à 20h
« LILY SLAME » de Farah Khadhar (Tunisie/2014/24’
Lily, étudiante en architecture, slame en pleine révolution tunisienne
« MEMOIRE NOIRE – TEMOIGNAGE CONTRE L’OUBLI » de Hichem Benammar (52’)
Un film contre l’oubli : le cinéaste tunisien, Hichem Ben Ammar a interrogé des victimes de la dictature pour le projet « Contre l’oubli ».
Le documentaire de 52 minutes qui en résulte, déploie à travers ces destins un panorama de l’histoire tunisienne depuis l’indépendance
« CAFICHANTA » de Hichem Benammar (Tunisie/50’)
Le film rend hommage à cette forme d’expression artistique et populaire qu’est le " Café chantant ", en période du Ramadan. Passé et présent se répondent, les artistes défilent, expriment leur art et leurs opinions…
Dimanche 7 décembre au Studio des Ursulines
à 19h
« VIBRATIONS » de Farah Khadhar (Tunisie/2011/7’)
Une fresque épique d’un fragment de la révolution tunisienne lors du Sit-in 2 de la Kasbah de Tunis et des manifestations de l’avenue Habib Bourguiba qui ont eu lieu en février 2011 traduite sous formes de vibrations sonores à travers le regard et le ressenti d’une réalisatrice tunisienne.
« REVOLUTION MOINS CINQ MINUTES » de Rida Tlili (Tunisie/2014/75’)
Le film suit un groupe des jeunes artistes tunisiens de guérilla (Ahl el Kahf) qui portent leur bataille contre répression sur les rues en Tunisie.
Leurs instruments sont des scanners, des ordinateurs, les bombes a retouche, les pinceaux et la peinture. Ils ont un web-radio, en réseau avec les militants et activistes... ils dessinent sur les murs leurs slogans, revendications et images qui interprète l’islamophobie européenne, La créativité et la résistance.
Ils décrivent leurs arts comme « le terrorisme esthétique » qui essaye d’amener les gens à penser ,et à la contre-information de se propager. .
à 21h
« TERIAGUE » de Ridha Tlilli (Tunisie/2009/24’)
Un voyage de la ville au Sahara en passant par la mère et les montagnes. Le film transmit des images de la Tunisie profonde, une quête
« EL GORT » de Hamza Ouni (Tunisie/2014/86’)’)
El Gort est un documentaire réaliste qui a pris à l’équipe six ans de travail. Il suit dans les dédales de la société Tunisienne, l’évolution de jeunes qui travaillent dans le commerce du foin.
Le film traque leurs mouvements et leurs transformations, entre hauts et bas, entre fragilité et robustesse, dans l’avant et l’après de la dite révolution Tunisienne.
Mardi 9 décembre à l’Institut du Monde Arabe (IMA)
à 19h
« PEAU DE COLLE »de Kaouther Ben Hania (Tunise/2013/
Amira, 5 ans, n’aime pas l’école. Pour ne pas y aller elle trouve une idée imparable, qui va au delà de ses espérances.
« LE CHALLAT DE TUNIS » de Kaouther Ben Hania (Tunisie/90’)
Tunisie, avant la révolution. Un homme à moto, armé d’un rasoir, balafre les fesses des femmes qui arpentent les trottoirs de Tunis. On l’appelle le Challat, “la lame”.
Fait divers, rumeur ou mise en scène politique, d’un quartier à l’autre, tout le monde en parle, mais personne ne l’a jamais vu. Dix ans plus tard, alors qu’avec le Printemps Arabe les langues se délient, une jeune réalisatrice obstinée enquête pour élucider le mystère du Challat de Tunis.
à 21h
Dans le cadre de la soirée ARTE
Avant-première
« RABBI TOUNES » de Raja Amari (Tunisie/2014/92’)
Tunisie, quelques semaines avant la chute de Ben Ali (en 2011).
Trois garçons et une fille vivent et survivent dans une société de plus en plus étouffante et inégalitaire. Leur itinéraire croise celui de la révolution tunisienne et celle-ci les traverse pour changer à jamais leur destin.
Aucun n’en sortira indemne. Chacun en paiera le prix.