Année 2013 / 100’
Distributeur EuropaCorp Distribution
Avec Charlotte Le Bon, Olivier Gourmet, Jamel Debbouze, Hafsia Herzi, Tewfik Jallab, Vincent Rottiers, Lubna Azabal, Nader Boussandel, Philippe Nahon, Jean-Noël Martin.
.Neuf films portant sur la Marche des Beurs ont été tournés. Voir le dossier de présentation
paru dans le site « Autour du 1er mai ».
Le compte-rendu de Mouloud Mimoun pour EL WATAN
LA MARCHE…arrière !
Au lendemain d’un été d’émeutes à Vaux en Velin, en banlieue lyonnaise, un noyau de jeunes des Minguettes, soutenu par un curé, le père Christian Delorme à peine plus âgé qu’eux (33ans), et le pasteur Jean Costil, décident de réagir à la vague de crimes racistes qui visent des franco-maghrébins, ciblés par une police française encore empreinte d’idéologie coloniale …Pour elle, ces basanés ne sont pas français.
En juin 1983, Toumi Djaïdja qui, plus tard, deviendra la figure emblématique de la Marche, est frappé d’une balle par un vigile alors qu’il s’interpose lors d’une rixe. Cet attentat, auquel il réchappe miraculeusement, donnera naissance à une association « SOS Avenir Minguettes » qui sera la matrice d’un mouvement anti-violence nourri de l’action pacifique de deux icônes internationales : Martin Luther King et Gandhi dont le film (Gandhi de Richard Attenborough, 1982) a provoqué chez eux une réflexion approfondie autour d’une seule arme : la non violence en réponse à la violence raciste.
Dès lors, ils se décident à marcher, résolus à tendre une main fraternelle à cette France qu’ils ignorent et qui les ignore. Ils seront 9 aux Minguettes, puis 30 à Marseille et, ô miracle, 100 000 à Montparnasse à Paris le 3 décembre 1983.
Cet acte fondateur de l’émergence des enfants d’immigrés sur la scène politique française donne lieu aujourd’hui à une commémoration qui se décline à travers films, articles, livres, émissions de Télévision…
Une scénariste, Nadia Lakhdar bataille pendant dix ans pour tenter de monter une production qui soit une fiction avec un casting qui connaîtra des modifications au fur et à mesure de désistements … Mais l’implication de Djamel Debbouze qui se définit comme un « Icissien » et l’arrivée d’Europacorp, le mastodonte de Luc Besson donneront vie à LA MARCHE réalisé par Nabil Ben Yadir qui est sorti le 27 novembre sur 450 écrans en France. Le public, amnésique de cet épisode central de l’histoire des immigrés en France sera-t-il au rendez-vous des salles ? Toute la question est là.
Le film, d’une durée de deux heures, n’est pas une reconstitution historique, loin de là, les auteurs ont pris beaucoup de libertés avec la réalité des faits, jusqu’à modifier la personnalité des vrais protagonistes pour créer in fine, une œuvre cinématographique où la fiction imprime ses normes et ses règles. La réussite est au rendez-vous tant les « caracters » comme disent les américains ont épaisseur psychologique et crédibilité.
Même si Mohamed (Tewfik Jallab) évoque parfaitement Toumi Djaïdja et Olivier Gourmet un père Delorme plus vrai que nature. Car le recours à la véritable histoire irrigue avec justesse les dialogues et les situations, prises en charge par une fiction qui génère, tantôt drôlerie (mais oui !) émotion, affrontements internes, idylles amoureuses…
Certains esprits malveillants verront ici ou là une certaine naïveté oublieux du message généreux qui a fini par triompher même si les acquis politiques sont restés maigre récolte avec la seule obtention de la carte de dix ans pour tous les étrangers, et l’oubli des revendications sociales pour une égalité de traitement pour tous les enfants de la république au sein desquels « les beurs » sont demeurés marginalisés et ….30 ans après oubliés lorsque les années 2000 ont consacré le repli identitaire, l’exclusion, le chômage, l’échec scolaire et surtout une ghettoïsation géographique qui a produit la communautarisation avec des barres « blacks » ou des immeubles totalement maghrébins. Au lendemain de la Marche, la France républicaine a raté le tournant du brassage qui, lui, était au cœur de la Marche…
Il faut signaler au chapitre documentaire, le remarquable « La Marche, chronique des années beurs » de l’algérienne Samia Chala sans doute avec Malek Bensmaïl, une de nos meilleures documentaristes.
Dans son 52 minutes, elle analyse en profondeur la causalité et les ratés du phénomène de la Marche dont le slogan « pour l’égalité et contre le racisme » a été dévoyé par la création de « SOS Racisme » suscité par le Parti Socialiste qui a oublié en route le credo de l’égalité et de la revendication sociale. L’amorce de la régression constatée aujourd’hui s’est inscrite dans une suite de ratages qui font craindre qu’un jour la main tendue des marcheurs qui n’a pas été saisie par les politiques se transforme un jour en un bras tendu …ou peut-être plus !
BioFilmographie
Initié au cinéma par sa mère, Nabil Ben Yadir commence à écrire pour le cinéma dès l’enseignement secondaire.
Après une formation en électromécanique à l’Institut René Cartigny d’Ixelles, cet admirateur de Scorsese et de Kubrick s’initie au septième art en devenant interprète, avec des rôles dans Au-delà de Gibraltar de Mourad Boucif ou Le Couperet de Costa-Gavras.
En 2005, il réalise son premier court métrage, Sortie de clown, comme un essai préparatoire à son premier long métrage, Les Barons (2009), ou la vie de glandeurs bruxellois pleins de ressources.
Cette incursion dans la mise en scène permet à Nabil Ben Yadir de connaître un beau succès d’emblée.