Autre titre Alf yad wa yad
Fiction
Année 1972 / 71’
Scénario Ahmed Badry
Montage S. Hanou et Souheil Ben Barka
Image Girolamo Larosa
Musique Abdou Tahar
Production Euro-Maghreb Film, Titanic Film
Durée 71mn
Avec Abdou Chaibane, Aicha El Ghazi, Mimsy Farmer..
A propos…
Les Mille et une mains est le premier long métrage de fiction de Souheil Ben Barka.
C’est un film courageux dans le contexte actuel du Maroc où la société se trouve bloquée et où la révolte ne débouche sur rien et ne laisse apercevoir aucun changement. C’est un constat terrible d’impuissance.
Les rapports de classe sont mis en évidence avec force (c’est là la part dramatique classique du film, mais aussi sa part critique la plus nette). La peinture de la “lutte des classes” est juste et terriblement accusatrice quand le récit montre le refus des médecines de la bourgeoisie de s’occuper d’un pauvre ; et toute la part marocaine populaire du film atteint une valeur plastique de premier ordre, sans jamais céder à l’esthétisme.
De plain-pied parmi le Maroc pauvre, Ben Barka ne se limite pas à une mise en œuvre manichéiste. Si le film se clôt sur une vision particulièrement négative - la mère n’a d’autre ressource, après la mort de son mari décédé faute de soins, et l’emprisonnement de son fils, agresseur de la caste des maîtres, que de conduire sa petite fille à l’atelier...-, il contient, et d’une manière non déguisée, une provocation à la réflexion. Le pouvoir en place ne peut se maintenir que dans la mesure où le peuple cultive sa propre aliénation, religieuse et par là-même mentale : le pèlerinage dans le sud, dans lequel on a vu parfois, et à tort, une échappée du récit sur le folklore, met en cause les sources de l’immobilisme.
L’originalité du film est d’allier pour la première fois une forme très esthétique avec un thème de violente contestation politique : le propos du film était en effet de démontrer que derrière la beauté des tapis et la splendeur des couleurs se dissimulait l’injustice.
Mille et une mains est un film pratiquement muet, de ce mutisme derrière lequel gronde la révolte des opprimés. Tout y est exprimé par l’image et par un rythme lent et lancinant, ponctué de chants berbères. Il possède une forme originale (et très belle) reliée aux traditions culturelles du pays, sans sombrer dans l’hermétisme, et alliée à un contenu de réflexion.
Souheil Ben Barka : « Pour ce qui est de la couleur (...), j’ai vraiment cherché à la rendre aussi fonctionnelle que possible. C’était délicat car il y avait une opposition entre la réalité extérieure qui est très colorée et la réalité intérieure qui, elle, est loin de l’être... Tout le film d’ailleurs est construit sur cette opposition que symbolise le tapis : c’est une très belle pièce d’ameublement mais sa confection est fondée sur l’exploitation effrénée des travailleurs. Il fallait qu’au niveau formel aussi cet antagonisme transparaisse... D’autre part, je fais un cinéma qui repose essentiellement sur l’image. Il y a peu de dialogues dans le film. C’est délibéré. J’aime ce cinéma qui refuse un recours abusif à la parole ».
Grand prix du Festival Francophone, Beyrouth, 1972
Étalon de Yennenga au Festival de Ouagadougou (Fespaco), Burkina Faso, 1973
Prix Georges Sadoul, Paris, 1973