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Mille et une mains (Les)

Synopsis

Marrakech. Le vieux teinturier Moha et son fils Miloud transportent des paquets de fil de laine... Commence ainsi le minutieux tissage de tapis vendus à l’étranger et les pénibles travaux des hommes, des femmes et des petites filles. Les teinturiers travaillent dans des conditions lamentables pour le compte de riches exportateurs de tapis jusqu’au jour où Moha est victime d’un accident du travail. Le fils qui prend la relève comprend que les conditions de travail doivent être révisées et refuse donc la situation dans laquelle il est engagé avec toute sa famille. Ils quittent la teinture dans l’espoir d’une condition meilleure et subissent les rigueurs du chômage. Le père meurt. Pour le fils, le seul responsable est ce grand exportateur de tapis qui mène une vie à l’occidentale. Il décide de se venger.

Thèmes : Société maghrebine

Réalisateur(s) : Ben Barka, Souheil

Pays de production : Maroc

Type : Long métrage

Genre : Fiction

Autre titre Alf yad wa yad
Fiction

Année  1972 / 71’ 

Scénario Ahmed Badry

Montage S. Hanou et Souheil Ben Barka

Image Girolamo Larosa

Musique Abdou Tahar

Production Euro-Maghreb Film, Titanic Film

Durée 71mn

Avec Abdou Chaibane, Aicha El Ghazi, Mimsy Farmer..

A propos…
Les Mille et une mains est le premier long métrage de fiction de Souheil Ben Barka.
C’est un film courageux dans le contexte actuel du Maroc où la société se trouve bloquée et où la révolte ne débouche sur rien et ne laisse apercevoir aucun changement. C’est un constat terrible d’impuissance.
Les rapports de classe sont mis en évidence avec force (c’est là la part dramatique classique du film, mais aussi sa part critique la plus nette). La peinture de la “lutte des classes” est juste et terriblement accusatrice quand le récit montre le refus des médecines de la bourgeoisie de s’occuper d’un pauvre ; et toute la part marocaine populaire du film atteint une valeur plastique de premier ordre, sans jamais céder à l’esthétisme.
De plain-pied parmi le Maroc pauvre, Ben Barka ne se limite pas à une mise en œuvre manichéiste. Si le film se clôt sur une vision particulièrement négative - la mère n’a d’autre ressource, après la mort de son mari décédé faute de soins, et l’emprisonnement de son fils, agresseur de la caste des maîtres, que de conduire sa petite fille à l’atelier...-, il contient, et d’une manière non déguisée, une provocation à la réflexion. Le pouvoir en place ne peut se maintenir que dans la mesure où le peuple cultive sa propre aliénation, religieuse et par là-même mentale : le pèlerinage dans le sud, dans lequel on a vu parfois, et à tort, une échappée du récit sur le folklore, met en cause les sources de l’immobilisme.
L’originalité du film est d’allier pour la première fois une forme très esthétique avec un thème de violente contestation politique : le propos du film était en effet de démontrer que derrière la beauté des tapis et la splendeur des couleurs se dissimulait l’injustice.
Mille et une mains est un film pratiquement muet, de ce mutisme derrière lequel gronde la révolte des opprimés. Tout y est exprimé par l’image et par un rythme lent et lancinant, ponctué de chants berbères. Il possède une forme originale (et très belle) reliée aux traditions culturelles du pays, sans sombrer dans l’hermétisme, et alliée à un contenu de réflexion.

Souheil Ben Barka : « Pour ce qui est de la couleur (...), j’ai vraiment cherché à la rendre aussi fonctionnelle que possible. C’était délicat car il y avait une opposition entre la réalité extérieure qui est très colorée et la réalité intérieure qui, elle, est loin de l’être... Tout le film d’ailleurs est construit sur cette opposition que symbolise le tapis : c’est une très belle pièce d’ameublement mais sa confection est fondée sur l’exploitation effrénée des travailleurs. Il fallait qu’au niveau formel aussi cet antagonisme transparaisse... D’autre part, je fais un cinéma qui repose essentiellement sur l’image. Il y a peu de dialogues dans le film. C’est délibéré. J’aime ce cinéma qui refuse un recours abusif à la parole ».

- Grand prix du Festival Francophone, Beyrouth, 1972
- Étalon de Yennenga au Festival de Ouagadougou (Fespaco), Burkina Faso, 1973
- Prix Georges Sadoul, Paris, 1973