Année 1976 / 90’
Scénario Merzak Allouache
Image Smaïl Lakhdar-Hamina
Musique Ahmed Malek
Montage Moufida Tlatli
Production Office National pour le Commerce et l’Industrie Cinématographique (Algérie).
Avec Boualem Bennani, Aziz Degga, Farida Guenaneche, Rabah Bouchtal, Rabah Lechaa, Abdelkader Chaou, Krimo Baba Aïssa, Arezki Nabti
A propos…
Omar Gatlato est le premier long métrage de Merzak Allouache.
Réalisé en 1976, durant la période Boumediene (président de l’Algérie de 1965 à 1978) et en pleine crise pétrolière, Omar Gatlato va perturber le cinéma algérien, le rendant plus libre, plus inventif et surtout plus proche de la réalité.
Depuis l’indépendance de 1962, les cinéastes ont orienté leur création vers une approche propagandiste, contrôlée par un financement étatique de plus en plus présent. Restriction des thèmes abordés, sabotage des envolées lyriques et surtout enfermement dans un formatage des plus pénibles.
Certaines comédies prenaient le temps et la peine de poser quelques réflexions sur cette nouvelle vie sociétale. Les auteurs prenaient un malin plaisir à dynamiter les imperfections d’une présidence qui réduisit les cris de liberté à des chuchotements actifs.
Las des films sur la guerre de libération, une nouvelle génération de cinéastes bercés par le dynamisme des comédies italiennes et surtout par la désinvolture de la Nouvelle Vague, prirent le pouvoir au beau milieu des “seventies”.
Algérois, passionné de musiques traditionnelles et surtout féru de cinéma, Merzak Allouache nous présente un homme qui pourrait être son frère jumeau. C’est pour cela qu’Omar se présente face à la caméra, qu’il joue le jeu du reportage, qu’il invite le spectateur à pénétrer dans sa bulle. Le film, dès les premières minutes, s’exprime à la première personne, un “je” qui ne s’entend pas mais qui se voit.
L’auteur nous entraîne dans le banal quotidien d’Omar. Entre le bus plein à craquer, les collègues de bureau tous plus lunatiques les uns que les autres et les combines professionnelles, les journées de Gatlato se ressemblent toutes. Une scène importante car représentative des intentions du cinéaste : dans le bus qui l’amène à son lieu de travail, Omar effleure par mégarde la main d’une jeune femme qui se tenait près de lui. Quelques secondes suffisent pour créer une gêne réciproque, qui suffit à ce que la jeune femme retire précipitamment sa main, confuse et rouge de honte. Plan court et remarquable, car toute la thématique du film se trouve dans ce geste, toute la tristesse d’un pauvre destin peut se lire dans cette main piégée.
Il est souvent question dans le film d’un désir refoulé, d’une émotion interdite et d’un sentiment censuré, qui se traduisent par une incommunicabilité avec la famille, par les non-dits avec les amis et surtout par une intimité amoureuse invraisemblable. La société d’Omar Gatlato regorge de contradictions, d’intégrisme religieux et de cloisonnement. Omar ne peut s’affirmer en raison d’une trop grande sécheresse affective. En se confrontant à cette voix mystérieuse, c’est tout un schéma qu’il remet en cause, toute une idéologie qu’il tente de rejeter. La dépression est proche car ce ras-le-bol quotidien l’avale progressivement. Omar ne veut plus survivre, quitte à se démarquer définitivement de son passé.
Trente années se sont écoulées depuis. L’Algérie a vécu des heures troubles et effrayantes. La génération d’Omar est perdue et désillusionnée, celle qui suit est du même acabit.
Pour la première fois, un film algérien décrit non plus les méfaits de la colonisation, les affres de la guerre d’indépendance, les troubles politiques, mais tout simplement la vie quotidienne des jeunes qui n’ont pas connu le passé douloureux de leur pays.
Omar Gatlato, c’est une étude sociologique savoureuse et légère, réaliste pourtant, de la jeunesse algérienne d’aujourd’hui. L’heure n’est plus à l’amertume, mais au coup d’œil aigu et amusé. Cela vaut toutes les démonstrations.
Médaille d’Argent à Moscou en 1977
Sélection au Festival de Cannes 1977
Prix au Festival international du film de Karlovy Vary en 1978