Année 2014 / 90’
Scénario Kadija Leclère
Co-scénariste Pierre Olivier Mornas en collaboration avec Philippe Blasband
Assistant Vincent Dragon
Image Gilles Porte
Son Dirk Bombey
Montage Virginie Messiaen et Ludo Troch
Montage image Ludo Troch
Montage son Magali Schuermans
Musique Christophe Vervoort
Production La Compagnie Cinématographique ; delphine@anga.be
Distribution Micafilm ; contact : Jérome Vallet 06 77 07 16 88
Avec Hafsia Herzi, Hiam Abbass, Smain Fairouze, Mehdi Dehbi, Souad Saber, Rania Mellouli
Après quelques jours, le père repartira en Belgique. Il le fera sans aucune discussion ni explication avec Sarah. Elle ne connaît même pas la langue de ce pays, ni ces gens qui se présentent comme étant sa famille. Et elle aura beau prier Jésus pour l’éclairer sur “le vrai Dieu”, il ne lui répondra jamais.
Résignée, elle se glissera dans la vie d’une petit fille marocaine où la seule scolarité qui lui est proposée est celle de l’école du tricot.
Le temps a passé, on la retrouve. Sarah a maintenant 17 ans et est devenue une adolescente marocaine comme les autres, ou presque. Nous sommes en 1984 dans une petite ville coincée dans les contreforts de l’Atlas. Elle a appris l’arabe et semble être pleinement assimilée. Toutefois son envie de partir, de retrouver la Belgique de son enfance, l’école, les livres et une vie qu’elle imagine libre reste présente.
Le commentaire de Pierre Datry
Sarah, (admirablement interprétée par Rania Mellouli, qui joue ici son premier rôle au cinéma), est une petite fille de huit ans qui se trouve à Alsemberg en Belgique, dans un foyer pour enfants tenu par des religieuses. L’action du film débute en 1975. Elle ignore tout de ses parents et sans doute cherche-t-elle dans la figure du prêtre auquel elle va se confesser plusieurs fois par semaine – jusqu’à l’exaspération de celui-ci – une figure paternelle. Mais un jour, et sans crier gare, son véritable père vient la chercher en lui promettant une visite à Paris. C’est donc de bon cœur que Sarah, très heureuse de voir enfin son père, le suit dans la voiture familiale. Au lieu de Paris, c’est au Maroc qu’elle se réveillera après un long voyage passé sous l’emprise des somnifères…
Dès les premières séquences de son film, Kadija Leclere, met en place les thématiques fortes qui ne cesseront de le parcourir. Citons tout d’abord celui de la double culture puisque le film se partage entre ces deux pays, la Belgique et le Maroc. Avec cette question de la double culture se pose celle de l’identité et celle de l’appartenance religieuse. En effet, Sarah grandit dans la foi catholique et s’en remet à Jésus dans ses prières alors qu’en arrivant au Maroc son père lui apprend d’une façon brutale, en lui arrachant le petit pendentif qu’elle porte autour du cou et qui lui a été donné par une bonne sœur qu’ « elle est musulmane ». Mais cet homme en agissant ainsi et en ayant ramené sa fille dans son pays pense l’avoir fait pour son bien : « Ici ce n’est pas la Belgique, et ce n’est pas la Belgique qui va t’éduquer » lui dira-t-il, avant qu’on le surprenne dans les bras de sa mère, presque en larmes, à se demander ce qui se passera si sa fille ne s’habitue pas à sa nouvelle vie ?
Ainsi, Kadija Leclere se garde bien de porter un jugement sur ses personnages (le père n’est ni bon ni méchant, simplement humain) mais elle nous présente une réalité complexe faite de nombreuses contradictions. De plus, c’est à travers le regard de Sarah et de ses deux amies, Karima et Ramona, regards à la fois complémentaires et antagonistes, (il suffit de voir comment chacune considère le mariage pour s’en rendre compte), que la réalisatrice nous décrira de façon subtile la société marocaine des années quatre-vingts ainsi que la condition des femmes dans ce pays. La beauté des paysages du Maroc côtoiera les drames de ses habitants, drames à la fois personnels et sociétaux puisque le film relate également les révoltes liées au pain et à l’éducation qui ont eu cours à Aoubach et qui furent durement réprimées par la police.
Le Sac de Farine est un film à multiples entrées, d’autant plus intéressant, que celles-ci prennent toutes pour origine la vision de Sarah. C’est avec Sarah que nous découvrons la Belgique, c’est avec Sarah que nous découvrons le Maroc. C’est avec elle que nous courons dans les ruelles de ce petit village marocain et c’est avec elle que nous allons faire cuire le pain. Sarah, cet être déraciné, doublement exilé. Sarah qui est seule en Belgique, mais seule aussi au Maroc, puisque son père l’abandonne une nouvelle fois, la confiant aux soins de sa sœur, quelques jours seulement après l’avoir fait venir…Sarah qui, les années ayant passé, fera tout pour retourner dans un pays qu’elle ne connaît déjà plus mais qu’elle imagine : la Belgique.
BioFilmographie
Comédienne sortie du Conservatoire Royal d’art dramatique de Bruxelles en 1997, Kadija Saidi Leclère exerce ce métier pendant quelques années avant de travailler comme directrice de casting. Elle réalise en même temps Camille, ensuite Sarah (2002) son premier court-métrage professionnel. Deux de ses courts métrages seront présentés au Med : Camille (2002) et La pelote de laine (2010), son dernier film. En 2010, Kadija tourne son 1er long-métrage Le Sac de farine au Maroc avec Hafsia Herzi dans le rôle principal.