ATTENTION, LA SORTIE A ETE INTERDITE ET EST REPORTEE A UNE DATE ULTERIEURE !!!
En salle à partir du 15 juin 2016 : Première suivie d’un débat et d’un cocktail le 15 juin à 20h30 à l’Espace Saint-Michel !
Tous les jours à partir de mercredi 15 juin à l’Espace Saint-Michel à 13h25, 14h40, 17h35, 20h40, et au Cinéma La Clef tous les jours à 18h15 sauf mercredi à 19h.
Documentaire — 1h30 – Grande-Bretagne, Liban, France - 1974
"En 1965 dans la région du Dhofar, une guérilla hors du commun s’organise contre le fils de Saïd ibn Taimour, le Sultan d’Oman, qui vient d’être remplacé par un coup d’état organisé par les services secrets anglais. L’Heure de la libération a sonné est un documentaire sans concession sur l’histoire d’une révolution en train de se faire, le récit unique d’une guerre oubliée. Heiny Sroursera la première femme arabe à être sélectionnée au Festival de Cannes en 1974."
Bande-Annonce : https://www.youtube.com/watch?v=LFIzIgoFytI
7, place Saint-Michel / 75005 Paris
métro Saint-Michel
Tél : 01 44 07 20 49
DISTRIBUTEUR : LES FILMS DE L’ATALANTE
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ENTRETIEN AVEC HEINY SROUR
Par les Cahiers du cinéma
Heiny Srour, cinéaste libanaise, a tourné dans la zone libérée du sultanat d’Oman un film d’une heure intitulé : L’heure de la libération a sonné, qui a été sélectionné par la Semaine de la Critique au Festival de Cannes cette année. Par rapport au cinéma arabe qui – en dépit des mouvements de renouveau qui l’animent – cherche encore souvent sa voie sur le plan politique, ce film a le mérite de s’inspirer d’une analyse idéologique d’une clarté peu commune. Par rapport au cinéma français (et européen), il présente l’avantage de proposer une méthode et une démarche particulièrement efficaces sur lesquelles il conviendrait de méditer afin de faire évoluer par exemple le cinéma militant qui, on le sait, échappe encore difficilement à un didactisme assez ennuyeux.
L’auteur nous parle ici des raisons qui l’ont incitée à tourner ce film et de ses conceptions politiques et esthétiques.
Monique Hennebelle : Heiny Srour, pourquoi ce film ?
Heiny Srour : Pour plusieurs raisons. D’abord pour briser la conspiration du silence qui règne sur la lutte que mène depuis neuf années le Front Populaire pour la Libération d’Oman (F.P.L.O.) dans une région qui recèle les deux tiers des réserves mondiales en pétrole et qui fournit, pour l’heure, le quart de la production mondiale, en laissant à l’impérialisme des superprofits fabuleux. Ensuite, pour souligner le rôle exemplaire d’une lutte de libération arabe de type vietnamien. Enfin, parce que la féministe que je suis a été particulièrement enthousiasmée par la manière dont le F.P.L.O conçoit et résout la question de l’émancipation de la femme. C’est bien la première fois dans le monde arabe, qu’une force politique organisée considère que la libération de la femme est une fin en soi et pas seulement un moyen pour se débarrasser plus rapidement de l’impérialisme. C’est bien la première fois que la pratique dans le monde arabe va aussi loin que les slogans. Il m’a paru important de communiquer l’expérience, à bien des égards exemplaires, du F.P.L.O.
M.H. : Dans quel contexte sa lutte se déroule-t-elle ?
Heiny Srour : Le Front combat depuis 1965 le féodalisme du sultan Saïd Ben Taymour qui, allié à l’impérialisme anglais, maintient le sultanat d’Oman (2 000 000 d’habitants, à l’est de la République Démocratique du Yémen et au sud de l’Arabie Saoudite) dans une situation que je qualifierai de moyenâgeuse dans les villes et qui est proche de l’âge de la pierre dans les campagnes. Ce sultan, dans sa volonté d’arrêter le temps, ne voulait pas que ses sujets importent les produits du monde moderne : bicyclettes, médicaments, postes de radio… En 1970, les Anglais l’ont remplacé par son fils Qabous, qui a introduit quelques réformettes mais qui maintient par exemple l’esclavage. Désireux d’en finir avec une révolution qui risque de faire tache d’huile dans tout le golfe arabe, les Anglais, qui exercent sur Oman un protectorat de fait, ont fait appel aux Américains. Ceux-ci ont à leur tour demandé à leurs alliés dans la région d’intervenir : Fayçal d’Arabie donne de l’argent, Hussein de Jordanie envoie sa police et le shah d’Iran a expédié 3 000 hommes en renfort dans la zone libérée, et estime à 11 000 hommes le nombre d’Iraniens à Oman. La zone libérée (l’essentiel de la province ouest, le Dhofar, qui comprend 200 000 habitants) est soumise à une véritable tentative de génocide. Il faut attirer l’attention sur une situation que la presse internationale s’évertue à cacher. D’où ce film. J’ai passé trois mois au Dhofar, où j’ai fait, avec une équipe technique composée de l’opérateur Michel Humeau, de l’ingénieur du son Jean-Louis Ughetto et d’un assistant yéméniste Itzhak Ibrahim Souleily, environ 400 kilomètres à pied.
M.H. : La forme de votre film est fort intéressante : vous êtes parvenue à combiner une grande rigueur dans l’exposé politique avec un " sens de l’humain ". Alors que beaucoup de films militants français sont encore trop souvent ternes et rebutants, votre film apparaît au contraire passionnant de bout en bout. Le montage semble avoir été beaucoup travaillé.
Heiny Srour : Le film commence par une séquence de plans fixes en couleurs, qui est une sorte de résumé de la situation dans la zone libérée, commenté par une chanson de libération que fredonne un combattant de l’Armée populaire. Cette séquence sert à identifier le spectateur à la révolution en même temps qu’elle établit qu’au début était le peuple. Le cours du film peut être divisé en deux parties : la première, la plus courte, parle des méfaits de l’impérialisme et de ses alliés locaux ; la seconde, la plus longue, est consacrée à un reportage effectué dans la zone libérée. L’impérialisme dans le golfe est analysé à partir de documents de télévision. Tout ce qui est du côté de l’impérialisme est en noir et blanc. Tout ce qui est du côté de la révolution est en couleurs ou teinté de rouge. Quand les documents filmés du côté de l’impérialisme se trouvaient être en couleurs, je les faisais contretyper en noir et blanc… Il me paraissait dangereux, en effet, de faire un beau spectacle avec les avions de la Royal Air Force. D’une manière générale, il me paraît dangereux politiquement de ne pas démarquer, au niveau de l’image et du son, ce qui relève des forces d’oppression et ce qui relève des forces de libération. Dans ce film, au niveau du son, c’est la voix du combattant déjà mentionné qui commente les images prises de l’autre côté de la barrière et c’est encore elle qui appelle à l’unité du combat. Il est donc clair que si nous avons utilisé des images prises du côté de l’impérialisme, c’est uniquement parce que le peuple arabe n’a pas pu enregistrer sur pellicule son histoire.
L’heure de la libération a sonné est donc, à tous les niveaux de l’image et du son, un film partisan. Au niveau du montage aussi, on ne peut mettre des images filmées des deux côtés de la barrière, dans n’importe quel ordre, et dire au spectateur de choisir son camp : ce serait mettre sur le même plan oppression et liberté, injustice et justice. Le film est construit sur une structure qui refuse la conception bourgeoise de l’ " objectivité " : il prend parti clairement sans pour autant cacher les difficultés de la lutte, sans cacher non plus les contradictions, sans verser enfin dans le triomphalisme. Le montage est entièrement conçu de façon à dégager une analyse de ce qu’est une guerre du peuple. On montre d’abord, à travers l’interview d’un combattant, que les débuts d’une guerre de ce type sont très difficiles parce qu’il y a généralement peu de moyens et qu’il faut compter essentiellement sur ses propres forces. Puis on analyse les raisons de la force de la révolution : mobilisation des masses, unité dans les rangs du peuple, libération de la femme. Le film s’attache à illustrer le principe que dans une guerre populaire l’armée est au service du peuple. On voit donc beaucoup le rôle politique de l’Armée de Libération. Ainsi que son rôle productif. Vers la fin du film, la conférence au cours de laquelle un cadre explique que l’idéologie doit toujours guider le fusil résume la raison du succès du Front.
Des cartons orientent, dans le film, le spectateur vers une lecture politique : il est important, en effet, de contribuer à déconditionner le spectateur arabe qui pendant cinquante ans a enregistré les images du cinéma comme on consomme un opium. Le carton permet de casser le " spectacle " en incitant le spectateur à conserver son sens critique en éveil, à l’amener à voir dans une séquence une leçon politique et non pas une simple suite d’images. Mais je n’ai pas mis cependant trop de ces cartons, car leur accumulation aurait été rapidement ennuyeuse. Il faut à la fois éviter de perdre le spectateur en l’ennuyant et éviter de l’abrutir en le divertissant. Je me suis efforcée, au niveau du montage, d’échapper à l’un et à l’autre excès. J’ai essayé d’autre part d’utiliser au maximum les éléments de la culture populaire de la région, par exemple en insérant dans le film des chansons qui sont chantées par les combattants de l’armée : très élaborées sur le plan politique, elles sont aussi très belles sur le plan artistique. Enfin chaque fois que cela a été possible, j’ai utilisé le dialogue original à la place du commentaire.
En gros j’ai essayé d’intégrer, au niveau du son, la tradition orale arabe qui est un élément fondamental de la culture populaire chez nous. Et c’est très important dans un film militant de se référer à la culture populaire, si l’on veut vraiment atteindre le public auquel on destine le film. Au niveau de l’image c’est la tradition de l’arabesque qui est intégrée à travers les cartons.