Année : 2014
Durée : 88’
Scénario : Hicham Lasri
Image : Saïd Slimani
Montage : Abdessamad Chaouket
Musique : Loonope, Hoba Hoba Spirit, Jbara, Samia Kadiri
Production : Hicham Lasri, Moon & Deal Film
Coproduction : Raccord Cine et Service La Prod, Moon and Deal films, Pan Production
Et les soutiens de " Enjaaz, A Dubai film market initiative", " Fonds francophone de production audiovisuelle du sud" (Organisation internationale de la Francophonie et CIRTEF), " AFAC" (Arab fund for art and Culture)
Avec : Malkek Akhmiss, Hassan Badida, Mohamed Aouragh,Yassine Sekal, Adil Lasri
C’est l’histoire d’une troupe qui organise la cérémonie de la h’dya, une procession de mariage.
On suit Tarik le personnage principal, un troubadour qui se grime en femme pour danser sur la carriole. Mais aussi son père, dont le cheval s’arrête parce qu’il est trop vieux. On lui explique qu’il faut l’abattre mais il refuse.
On ne sait pas si on est dans le passé, le présent ou le futur. On est proche de la fable de science-fiction.
Un film exceptionnel qui révèle un cinéaste d’exception et marque une étape dans le cinéma marocain et son rapport avec la modernité.
Quelque chose comme un documentaire sur un Maroc post apocalyptique.
Réponses extraites d’un entretien réalisé par Roland Carrée en juin 2015 à Casablanca, issu de
Répliques
n° 5
J’avais envie de raconter un refroidissement et plus précisément le refroidissement d’une société qui passe de la tolérance à l’intolérance. Il y a ar exemple le héros du film, Tarik, qui s’habille en femme car c’est son métier, il danse pour des fêtes et des processions. Il y a une quizaine d’années, c’était quelque chose de très banal, qui n’engrangeait aucune polémique. Mais aujourd’hui, c’est quelque chose qui passe très difficilement le cap de l’imagination. je voulais donc raconter le télescopage entre une vision du passé, celle d’un homme habillé en femme et qui danse parce qu’à l’époque les femmes n’étaient pas censées danser, et la société actuelle, qui est davantage conservatrice. Je voulais également ramener la métaphore d’une société mourante à travers la figure du vieux cheval. Quelque chose est en train de disparaître, de s’éteindre, de se dissoudre dans la réalité, et cette réalité n’est pas très reluisante, d’autant qu’il y a, au milieu de tout cela, ce nœud narratif très important qui est celui de la perte de la famille. Il s’agit cette fois d’un père qui perd ses enfants. Et il y a un autre père, celui de Tarik, qui est en train de perdre son vieux cheval qui est à ses yeux son bien le plus précieux, encore davantage que son fils. C’est également ce drame qui tisse le désespoir du héros, ainsi que du monde dans lequel il évolue. J’aime bien l’idée de montrer un monde souillé, où il n’y a plus d’espace pour la tolérance ni pour l’espoir.
C’est un monde alternatif, parallèle au nôtre en effet, dans lequel je ne montre pas de gens « ordinaires ». Il s’agit presque d’un pays de science-fiction, qui renvoie d’ailleurs au monde dépeint dans mon roman Stati©. Mais cela ne m’empêche pas de montrer des choses actuelles, comme l’intolérance bien sûr, mais aussi la prostitution, la zoophilie... Mais une fois de plus je n’en parle pas au premier degré, donc ça crée forcément un décalage, et l’on évite ainsi le jugement direct.
Je voulais raconter un monde où il n’y a pas d’émotions, ce qui fait que quand ne émotion apparaît, elle est mise en avant par l’utilisation de la couleur. À un moment, un personnage reçoit un coup, et retentit alors une explosion en couleur qui renvoie directement au cartoon, ce qui permet d’apporter de la dérision à cette scène. Il y a également les ongles des orteils de la femme qui sont colorés, ce qui suggère l’émotion que ressent Tarik, et le plan final du film, qui montre la mer en couleur, peut suggérer l’idée que le héros va peut-être connaître des jours meilleurs. Ce que j’aime avec la couleur, c’est que quand on ne l’insère que par petites touches, on fait davantage réfléchir le spectateur. Il est vrai que ce traitement chromatique donne un vernis « art et essai » qui peut servir ou desservir les films, mais cela ne m’empêche pas de continuer à faire des films en couleurs de temps à autre. Le tout est de rester cohérent par rapport aux éléments qui composent le film. La couleur n’est pas seulement « jolie » et le noir et blanc n’est pas seulement « sympa ». Si l’on se contente de raisonner ainsi, on verse dans la gratuité, et c’est contre-productif.