Année : 2012
Durée : 111’
Scénario : Nour-Eddine Lakhmari
Image : Lucas Coassin
Musique : Richard Horrowitz
Production : Timlif
Avec : Younès Bouab, Ouidad Elma, Malika Hamaoui, Mohamed Majd, Sonia Okacha-Chraïbi, Zineb Samara
Bande Annonce (VOSTF)
“Après Casanegra, je voulais faire un film dans la continuité de ce genre de cinéma noir. C’est une recherche sur la condition humaine à Casablanca, la ville qui me parle le plus. Ce cinéma noir, à la manière de Fritz Lang, me permet de parler de tout ce que je veux. De ces problèmes existentialistes, de cette société parfois schizophrène, etc."
Nour-Eddine Lakhmari
Le Monde du 03.12.2013 par Franck Nouchi
« Zéro » : le ripoux de Casablanca
Il y a cinq ans, Casanegra, le précédent film de Nour-Eddine Lakhmari, avait suscité au Maroc un véritable phénomène de société. N’hésitant pas à aborder de front des thèmes relatifs à la violence et au sexe, il avait réussi à faire réagir bien au-delà du cercle traditionnel des cinéphiles marocains. Sans avoir vu le film, Abdelillah Benkirane, secrétaire général du parti islamiste Justice et Développement, l’avait stigmatisé à la télé, expliquant qu’il encourageait la débauche et le sionisme. Consacrant sa couverture et pas moins de sept pages au film, l’hebdomadaire francophone marocain Tel Quel estimait au contraire que « le modèle que propose ce film n’est pas celui d’une société amorale mais d’une société qui admet sa part d’amoralité. Qui n’a donc plus peur d’elle-même. »
Zero, le nouveau film de Nour-Eddine Lakhmani, est de la même veine. Cette fois, il ne s’agit plus de deux chômeurs paumés dans un Casablanca poisseux et sale, mais d’Amine Bertale, un policier surnommé Zero par ses collègues. Un petit flic ce Zéro, dont l’essentiel du boulot, dans un bureau anonyme de son commissariat, consiste à enregistrer des plaintes. Le soir, pour arrondir ses fins de mois, avec Mimi, une jeune prostituée, il rackette des clients. Il faut dire que sa vie n’est pas drôle, pris en tenaille qu’il est entre un père impotent et à moitié fou qu’il doit entretenir (Mohammed Majd, étonnant en ancien combattant et supporter de foot hystérique), et un supérieur hiérarchique sadique et corrompu, le commissaire Zerouali (Aziz Dadas, plus vrai que nature).
Comme dans Casanegra, l’action de Zero se situe dans le centre Art Déco de Casablanca, quelque part entre le boulevard Mohammed V et certaines ruelles sombres à peine éclairée. Solitaire, plutôt du genre beau gosse, Zero (interprété par Younes Bouab) se donne parfois des airs de flic melvillien. A le voir s’occuper de son insupportable père avec gentillesse et dévotion, on dirait que c’est un type plutôt sympa, égaré dans un univers mafieux et glauque. Seul rayon de soleil, une femme médecin répondant au doux nom de Kenza Amor (Sonia Okacha, magnifique) dont il tombe éperdument amoureux. Amour impossible ? Vous le saurez en allant voir ce film remarquablement éclairé, et dont la musique, signée Richard Horowitz, ne fait que renforcer le caractère noir et asphyxiant.
Grand prix du Festival national du film de Tanger 2013, Zero apporte une nouvelle fois la preuve que dans le Maroc d’aujourd’hui, le cinéma peut servir d’exutoire à une société pervertie par la vénalité.
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