Année : 2015
Durée : 102’
Scénario, Image, Montage : Franssou Prenant
Son : Franssou Prenant, Jérôme Ayasse, Myriam René
Production : Sophie de Hijes (Survivance) - Dominique Garing (VDH)
Le film n’est pas sur Alger mais à partir d’images d’Alger, que je connais assez bien quoiqu’imparfaitement, dans la mesure principale où je ne parle toujours pas l’algérien, ayant toujours vécu dans un milieu francophone, (et il n’y a pas de cours d’arabe dialectal, j’avais suivi des cours d’arabe classique, mais on m’a découragée : arrête de parler le Coran, parle français comme tout le monde). Des images d’Alger, vues au cours d’aventures urbaines ou tournées en épluchant quartiers et recoins, (que je connais, ai aimés et hantés), un à un (ce qui laisse encore une bonne part au hasard) : les rues, les quidams qui les occupent, la mer, les cimetières, les marchés, les fragments de nature semés dans l’architecture (importante car elle signe la période coloniale), les enfants, les chats, le port, les assis….
Pas d’entretiens, pas d’interviews filmés. Mais des voix off, des paroles, en surnombre, issues d’entretiens et de conversations qui évoquent : les répressions similaires menées par la France en Algérie et à Madagascar ; l’amour et comment il est (im)praticable ; la religion sa prégnance et son refus ; les mœurs donc ; le passé, plus riche, disparu, évacué ; les guerres (celle avec la France et la civile contre le terrorisme) ; le quotidien et la banalisation - mondialisation du paysage urbain ; la cinémathèque et plus généralement la culture qui tend à se faire rare ; les prostituées des cités pétrolières ; les immigrés espagnols du franquisme et les réfugiés politiques des « pays frères » dans les années 70 ; l’école sous la colonie… Les paroles, les conversations, sont montées en canon ou en fugue, interférant les unes avec les autres, intervenant les unes sur les autres, se superposant dans la mesure de l’audible, rencontres simultanées de voix différentes, de telle façon qu’on en saisisse les phrases, mots, intonations que je veux privilégier et faire entendre, politique et souvenirs, éthique et rigolade, colonialisme et marasme actuel, de telle façon aussi qu’elles fabriquent une musique ; et ces paroles imbriquées, manifestant le présent et faisant ressurgir le(s) passé(s) et l’histoire, créent un mouvement entre avant et maintenant, et, décalées, amplifient les images, leur donnent un supplément d’être. Les locuteurs sont des amis ou des connaissances, des jeunes, des plus âgés, et des vieux, comme mon père géographe, spécialiste de l’Algérie.
Le film est donc cet agencement des images et des sons (ceux ci ne présentant pas de rapports directs avec celles là, ni explicatifs ni commentateurs ) construit au montage, les images glissant d’une facture « poétique » vers l’abstraction produite par leur assemblage en contretemps avec les paroles, même si les unes comme les autres sont chargées de réel et de désirs ; un film polyphonique et décentré qui, au delà d’une description d’Alger, traite du monde, de l’histoire, coloniale aussi bien sûr, de la lumière et de sa beauté, de la déambulation et de la contemplation. J’y suis à ma place (privilégiée car j’ai vécu une existence à part durant ces 10 ans de séjour), à travers une voix off, qui fait des va et vient entre les deux périodes où j’ai habité en Algérie, c’est à dire entre mon enfance et les dix dernières années, et qui investit d’autres territoires tant géographiques que mentaux.
Cette voix off fonctionne en réponse ou contrepoint aux conversations et entretiens surchargés d’eux mêmes. Françoise Prenant
Festivals
- Entrevues Belfort 201 5 - Prix Eurocks One + One - Prix Distribution Ciné+
- IFF Rotterdam 201 6 - Official Selection
- Viennale 201 6 - Official Selection
- IndieLisboa 201 6 - Official Selection
- Rencontres cinématographiques de Bejaia 201 6