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Chine est encore loin (La)

Synopsis

Le 1er novembre 1954, près de Ghassira, petit village perdu dans les Aurès, un couple d’instituteurs français et un caïd algérien sont les premières victimes civiles d’une guerre de sept ans qui mènera à l’indépendance de l’Algérie.
Plus de cinquante ans après, Malek Bensmaïl revient dans ce village chaoui, devenu « le berceau de la révolution algérienne », pour y filmer, au fil des saisons, ses habitants, son école et ses enfants.
Entre présent et mémoire, c’est une réalité algérienne émouvante et complexe, sans fard ni masque, foisonnante et contradictoire, qui se dévoile.

Chronique d’une Algérie profonde dont la Chine, terre symbolique, semble encore lointaine.

Thèmes : Société maghrebine , Algérie

Réalisateur(s) : Bensmaïl, Malek

Pays de production : Algérie

Type : Long métrage

Genre : Documentaire

Edition du festival : Maghreb des films novembre 2010 , Maghreb des films février 2009


Autre titre : Wa laou Filsin

Année : 2008

Durée : 120’

Image :  Malek Bensmaïl et Lionel Jan Kerguistel

Son :  Dana Farzanehpour

Montage :  Matthieu Bretaud

Musique :  Kamel Zekri

Production :  3B Productions, Cirta Films, ENTV, INA (Institut National de l’Audiovisuel), Unlimited

Distribution :  Tadrart Films. Tel : 01 43 13 10 60

disponible en DVD dans le coffret regroupant les principaux films de Malek Bensmaïl

Lors de l’édition 2010 du Maghreb des films, un hommage spécial a été rendu à Malek Bensmaïl en projetant l’intégralité de ses films.

Des Vacances malgré tout (2000 / 1h08), Dêmokratia (Fiction / 2001 / 17’), Aliénations (2004 / 1h45), Le Grand Jeu (2005 / 1h29), La Chine est encore loin (2008 / 1h58), Conversation entre Malek Bensmaïl et Jean -Philippe Tessé (2011 /37’)

Téléchargez le flyer de présentation du coffret

Commentaires de Laurine Estrade & Arnaud Hée
Comment rendre compte du contemporain ? En concentrant son film sur un territoire, Malek Bensmaïl se met au défi d’extraire du réel des fragments de sens, d’individualités, et de détails qui fondent la vie algérienne d’un petit village chaoui des Aurès. Un lieu emblématique puisque le 1er novembre 1954, un couple d’instituteurs français et un caïd algérien, y furent victimes d’une attaque meurtrière. Cet acte marqua le début de la guerre d’indépendance. L’indépendance : 50 ans après, le film en interroge les contours, les effets, et les valeurs, à partir d’une démarche documentaire qui se base sur le passé pour comprendre, en substance, la complexité fascinante de l’épisode du présent.

La Chine est encore loin en effet, puisqu’il est question de l’Algérie, de son présent, des blessures de son passé et de la projection vers son futur. Le titre fait référence à un haddith de Mahomet, celui-ci y exhorte ceux qui veulent savoir à ne pas hésiter à partir, jusqu’en Chine si besoin. Avant un dernier plan allégorique et plutôt pessimiste, la question du départ et de l’exil n’est que latente, un sous-texte discret mais permanent pour ce film basé sur les questions du devenir et de la difficile transmission du savoir et de la mémoire. La Chine est encore loin est le résultat d’un long travail d’immersion : un an de repérages, un an de tournage. Afin de donner corps à ce foisonnement que constituent les symptômes d’une époque sur l’étendue d’un territoire, Malek Bensmaïl choisit de présenter divers témoins. Des personnages, pour lesquels la façon d’être filmé diffère selon leur place, leur « rôle », dans le fil du récit. Il y a l’émigré, cet homme aux cheveux blancs qui met en marche le film par le biais de ce travelling inaugural suivant ses pas ; il y a également le témoignage en plan large de l’auteur des coups de feu sur l’instituteur en 1954. Aussi la femme de ménage de l’école, qui ponctue de sa silhouette et de ses gestes les 130 minutes du documentaire, pour finalement le clore par une longue prise de parole intime et émouvante.

Les personnages centraux du documentaire restent les élèves de l’école du village. Sans user de sensiblerie, Malek Bensmaïl parvient à faire de l’enfance l’angle principal de son documentaire : un prisme par lequel se révèle l’histoire d’un pays. Petites filles attentives ou garçons bagarreurs, c’est ensemble qu’ils deviennent les interrogateurs du réel. Ainsi, l’apprentissage, à prendre dans les deux sens du terme : l’école et la vie, tient une place fondamentale dans le film. Surtout qu’il trouve une illustration forte par la bande son, avec cette « guerre des langues ». En effet, dans la salle de classe, les élèves luttent pour parler l’arabe classique, la langue du pouvoir, tandis qu’à la maison ils échangent en berbère (la langue amzighe), leur langue maternelle. Le français est l’héritage du colonisateur, une langue sans laquelle paradoxalement un élève ne peut accéder aux études supérieures, traces d’une acculturation, alors que tout le système éducatif est arabisé. Au-delà, le cinéaste filme l’obsession algérienne post-indépendance de la construction d’une identité monolithique. La mémoire de la révolution est déclinée sous de nombreuses formes : les données collectives (commémorations, enseignement...), familiales et individuelles (ce sont souvent des petits-enfants de combattants) sont convoquées, alors qu’une réalité multiple, extraordinairement complexe et riche, répond invariablement.

Comme hanté par le souci de l’inconstance et du mouvant (indices du passage du temps), le documentariste ne tranche pas sa mise en scène, qu’il souhaite voyageuse. Il oscille entre effacement et ingérence, aussi, plusieurs séquences sont en soit des moments de fiction. Dans la salle de classe, l’esprit d’un petit garçon s’évade par la fenêtre au cours d’un montage parallèle ; puis plus tard, un lent travelling avant glisse sur le tableau noir de l’école où s’abattent des jets de craies. Des instants oniriques qui se mêlent au documentaire grâce à sa haute exigence esthétique. Outre l’utilisation de travelling, les cadres sont beaux, la lumière maîtrisée, faisant la part belle aux couleurs des paysages des Aurès : ocres, jaunes, azur immaculé du ciel. L’usage du gros plan très fréquent révèle un talent de captation des visages, enfantins notamment, et renvoie à cette beauté rude d’une jeunesse touchée par une dynamique centrifuge, ressemblant à une fatalité dans un pays fragile guetté par l’incertitude.

Extrait de Critikat

Voir aussi dans l’interview de Malek Bensmaïl

- Grand prix du film documentaire, 24e Dokfest (Festival International du Film Documentaire), Munich, 2009
- Prix Spécial du Jury, Festival du Film Méditerranéen, Tétouan, 2009
- Compétition internationale, Cinéma du Réel, Paris, 2009
- Prix Spécial du Jury, 30e Festival des 3 Continents, Nantes, 2008
- Grand Prix du Meilleur documentaire, Festival du Cinéma d’Auteur Numérique, Paris, 2008