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Contre-pouvoirs

Synopsis

Abrités depuis la décennie noire des années 90, au sein de la Maison de la Presse, les journalistes du célèbre quotidien El Watan attendent la livraison de leurs nouveaux locaux, symbole de leur indépendance.
Après vingt années d’existence et de combat de la presse indépendante algérienne, de joies et de pleurs, j’ai décidé d’installer ma caméra au sein de la rédaction d’El Watan qui suit l’actualité de ce nouveau printemps algérien… Le Président Bouteflika brigue un quatrième mandat.
Au-delà de ce qu’on appelle « les révolutions arabes » et autres termes médiatiques, ce film, je le souhaite avant tout comme une contribution à la mémoire des femmes et des hommes, jeunes et moins jeunes, qui mènent un combat au quotidien afin de préserver la liberté d’informer dans un pays politiquement et socialement sclérosé.

Thèmes : Société maghrebine

Réalisateur(s) : Bensmaïl, Malek

Pays de production : Algérie

Type : Long métrage

Genre : Documentaire

Image Malek bensmaïl

Montage Matthieu Bretaud

Musique Phil Marboeuf

Production Hikayet films, avec la participation de l’IMA et lagnolias Films

Contact Marie-Sophie Decout +33 (0)1 43 87 00 54 mdecout@zeugma-film.fr

Avec Omar Belouchet, Hacene Ouali, Hassane Moali, Mustapha Benfodil,
Fella Bouredji, Ali Benyahia, Mourad Slimani, Omar Kharoum, Saad Benkhlif
et toute l’équipe d’El Watan.

Voir le site du film 

Sortie en salles en France, le mercredi 27 janvier 2016

Le commentaire de Régis Marzin à la suite de la projection au Louxor du mardi 17 novembre dans le cadre du Maghreb des Films

17 novembre 2015, Paris, Algérie, à propos du journal El Watan

Après L’hôpital psychiatrique de Constantine (Aliénations), les arcanes du pouvoir et la décennie sanglante avec Algérie(s), un QG de campagne électorale à Alger (Le Grand Jeu), une école dans les Aurès (La Chine est encore loin), Malek Bensmaïl plante sa caméra au sein du célèbre quotidien El Watan, fer de lance de la presse indépendante algérienne et filme le travail et la pensée journalistique.

Ce mardi 17 novembre 2015, le festival Maghreb des filmsest au cinéma Le Louxor, près du métro Barbès. Je tente une seconde timide sortie dans Paris, après le massacre de 13 novembre qui a accaparé mon esprit depuis 3 jours. Le documentaire ‘Contre-pouvoirs’ de Malek Bensmaïl, en avant première, a attiré mon attention parce qu’il parle de la campagne de l’élection présidentielle de 2014 en Algérie. Les films sur les élections en Afrique sont rarissimes et comme journaliste spécialisé dans les processus électoraux, je ne peux manquer ce documentaire. L’invitation par mail évoque une « une élection gagnée d’avance » par Abdellaziz Bouteflika pour son 4ème mandat.

Le film que je vois n’est finalement pas un film sur l’élection, mais plutôt un film sur le journal algérien El Watan. La presse en Afrique étant un autre sujet qui me passionne également, je suis tout aussi content de voir le documentaire et de participer au débat. Les films sur la presse dans les dictatures ou « régimes autoritaires », sont encore plus rares que les films sur les élections. Le spectateur peut entrer dans le quotidien d’une rédaction, comprendre comment se prennent les décisions. El Watan s’oppose régulièrement au président Bouteflika. Des passages évoquent quelques scandales ou mauvaises habitudes du système, par exemple avec les entreprises qui, pendant la campagne, donnent des cadeaux qui vont dans la poche d’individus. Il montre aussi un mouvement citoyen, Barakat, très actif autour du scrutin et auquel participe un journaliste.

Au débat, sont présents le réalisateur Malek Bensmaïl, le directeur d’El Watan, Omar Belhouchet, la correspondante parisienne, et un journaliste très présent dans le film, Hassen Malek (photo : de gauche à droite : Hassen Malek, l’animateur, Malek Bensmaïl, Omar Belhouchet). Les questions permettent de compléter la compréhension de ce qu’est le journal, ses 25 ans d’histoire. Les actionnaires sont 18 journalistes. Le media s’est renforcé progressivement a axant sa stratégie sur son indépendance financière, grâce à la publicité et à la maîtrise de sa distribution et de l’impression, en évitant d’aller trop vite sur internet. Le journal en langue française sort maintenant à 140 000 exemplaire avec seulement 18% d’invendus. Son directeur pense qu’il est maintenant un exemple pour les journaux dans les régimes autoritaires. Omar Belhouchet précise bien qu’il ne parle pas de dictature mais de « système autoritaire ». C’est un point qui m’intéresse, puisque je classe les régimes en Afrique régulièrement, et que je pense moi que l’on peut classer l’Algérie dans les dictatures en Afrique, s’il faut choisir entre ‘démocratie’, ‘dictature’ et ‘régime intermédiaire, en transition ou indéterminé’. El Watan s’est toujours engagé sur des sujets délicats : « corruption, armée, police politique, santé de Bouteflika » a été suspendu 7 fois à partir de 1993, a connu des arrestations, de la prison. Maintenant, comme partout en Afrique, les attaques sont plus discrètes et perfides, pour éviter d’attirer l’attention des défenseurs internationaux. Après la présidentielle de 2014, le journal a perdu 60% de son budget publicitaire et a été obligé d’augmenter son prix, sans que les ventes ne baissent. Depuis 1999 au pouvoir, Bouteflika n’aime pas la presse algérienne, à laquelle il n’a jamais accordé aucune interview.

Je suis étonné que le documentaire montre des débats sur de l’analyse politique mais ne mette pas en avant des journalistes et techniques d’investigation, avec des scoops basés sur des documents, des enregistrements secrets. Hassen Malek répond à ma question en indiquant qu’il y a un verrouillage très fort du pouvoir qui empêche l’investigation et y voit une faiblesse de la presse algérienne. J’avais toujours pensé que la faiblesse structurelle de la presse en Afrique pouvait être la cause du manque d’investigation, mais je comprends alors que le type de régime peut être une raison plus profonde. Dans des dictatures moins organisées, une presse légère, comme Tribune d’Afrique au Togo entre 2009 et 2013, peut arriver à faire ce qu’un journal solide est empêché de faire ailleurs.

Je sais que je pourrais retrouver les informations à mon bureau, mais je profite du débat pour interroger Omar Belhouchet sur le processus électoral et les techniques de fraudes. Le score soviétique de Bouteflika a été de 81,53% au premier tour. Un processus électoral, ce n’est pas si compliqué, il est bon que le public du Louxor sorte de la salle bien informé. Selon le directeur d’El Watan, le fichier électoral est de très mauvaise qualité, avec 4 à 5 millions d’électeur-trice-s en trop, qui font autant de voix supplémentaires pour le président sortant. Ensuite, les procès verbaux ont disparu et l’administration a inventé des chiffres, sans aucun contrôle de type Commission électorale indépendante. L’Ue sous la pression du pouvoir a mis 6 mois à sortir, trop tard, un rapport accablant. Le journal a subi des attaques financières suite à ses enquêtes sur le processus électoral.

C’était mon premier passage au festival Maghreb des films, et j’ai passé une excellente soirée, apprenant beaucoup de choses sur l’Algérie, sur le fonctionnement de la presse indépendante au milieu d’un « système autoritaire ».

Régis Marzin, Paris, 21 novembre 2015

BioFilmographie

Malek Bensmaïl est né à Constantine (Algérie) en 1966. Très tôt il a tourné des flms en Super 8. Depuis ses études en cinéma à Paris et sa formation aux studios Lenflm à Saint-Pétersbourg, il s’est consacré à la réalisation de documentaires.

Tous ses films sont liés à l’histoire de son pays. Son style cinématographique dessine les contours complexes et sensibles de l’humanité. Pour le réalisateur, le cinéma est avant tout un moyen au service de la réflexion et des échanges culturels.
Applaudis par la critique, ses films ont reçu des prix dans de nombreux festivals autour du monde. Récemment, Malek a eu l’honneur d’être en résidence à la Villa Kujoyama pour son prochain flm. Son dernier long-métrage, La Chine est encore loin (2010) a remporté le Grand Prix du Dokflmfestival de Munich et le Prix du Jury au Festival des 3 Continents.
Avant cela, Aliénations (2004) lui avait valu le Library Award au Festival du Cinéma du Réel et le Prix Magnolia au Festival de Shanghaï.

Filmographie (extrait)
2013 - Ulysse, le brûleurs de frontières et la mer blanche du milieu (flm et installation)
2012 - Guerres secrètes du FLN
2010 - La Chine est encore loin
2005 - Le grand jeu
2004 - Aliénations
2003 - Algérie(s)
2001 - Des vacances malgré tout
2000 - Démokratia
1999 - Boudiaf, un espoir assassiné
1998 - Decibled
1997 - Algerian TV show
1996 - Territoire(s)

Galerie de photos