La séquence de juin juillet 2012 du Maghreb des films s’est achevée dimanche 8 juillet au soir.
Prochaine et dernière séquence pour 2012 :
du 19 au 22 novembre à l’Institut du Monde Arabe,
du 28 novembre au 4 décembre aux 3 Luxembourg
en novembre dans le réseau d’une trentaine de salles en banlieue parisienne et en province
On a vu vendredi 6 juillet 4 films consacrés à la communauté pieds-noirs face à la guerre d’Algérie
En première période, deux films de Jean Asselmeyer Ils ont choisi l’Algérie, tourné en 2007 et Ils ont choisi le front tourné en 2011, plus complet que le premier.
Portant sur l’engagement de pieds-noirs pour l’Algérie indépendante et, pour certains, pour le front, ils laissent sur notre faim. Un débat à la suite de leurs projections aurait été passionnant, car il aurait répondu aux questions que ces films laissent en suspens.
Ceux-ci passent trop vite sur le processus par lequel l’engagement pour l’Algérie algérienne ou, avant, pour le front a été pris. Car ce choix n’a jamais dû être facile.
Les militants du PCA ont été nombreux à s’engager, mais rien ou peu de choses sur les positions successives du PCF et du PCA face à la guerre de libération et au FLN, ni sur celles des progressistes chrétiens qui, eux aussi, ont joué un rôle important. A part ses bémols, ces deux films ont tout à fait leur place dans ce Maghreb des films consacré au 50ème anniversaire de l’indépendance de l’Algérie
Certaines nouvelles de Jacques Davila (1979)
C’est une fiction, contrairement aux deux précédents.
Deux familles à la fin de la guerre, dont les villas au bord d’une plage dans l’Oranais se touchent et qui ont développé des relations d’amitié de longue date. Les désaccords politiques sont profonds, mais tus.
Le film a réussi à rendre remarquablement cette atmosphère où la vie quotidienne se déroule, comme partout en temps normal, avec son lot de banalités, de jeux de séduction, de peaux bronzées qui se touchent, avec, en arrière-plan et très présent, la violence, le racisme, …
Une image très forte parmi d’autres : les deux familles et des amis bronzent sur la plage dans un bavardage anodin et continu, quand passe devant eux lentement un « Arabe » longeant la mer. Et les « Européens » médusés brusquement se taisent et « le » regardent. Sensation de peur.
Algérie 1962, l’été où ma famille a disparu de Hélène Cohen (2010)
Documentaire bouleversant.
Les 28 et 29 juin 1962, quatre membres de la famille d’Hélène Cohen - sa grand-mère, son grand-père, sa tante, son oncle - et deux de leurs amis « disparaissent ».
Et son propre père n’en avait jamais parlé à tel point que c’est à la mort de celui-ci qu’Hélène le découvre.
Hélène Cohen effectue un parcours familial pour savoir qui savait quoi, pourquoi son père n’en a-t-il jamais parlé, qui serait à l’origine de cette disparition-enlèvement-meurtre, l’OAS, le FLN, des « bandes incontrôlées », etc.
Cette famille juive, implantée depuis longtemps en Algérie, chaleureuse, parfaitement intégrée à Benisaf, parlant le plus souvent couramment l’arabe, est, comme partout, traversée par des positions politiques différentes, mais vote dans l’ensemble à gauche.
Au bout de cette quête, la réalisatrice n’aura pas de réponses à cette énigme. Mais elle aura approché son père et compris ce silence. Peut-on tout dire ? Par son silence son père a voulu protéger ses enfants.
Au-delà du seul savoir, elle aura perçu les douleurs qui ne cicatrisent jamais. Et les conséquences de ce drame comme le suicide en 1970 de la jeune sœur de son père.
Le débat avec Valérie Esclangon-Morin, historienne, et Hélène Cohen, aura permis de replacer ce drame dans le contexte de cette époque, particulièrement tourmentée dans l’Oranais. Environ 3 000 morts et disparus de la communauté pieds-noirs entre le 19 mars et le 5 juillet 1962, environ 1 500 disparus, 70 000 harkis massacrés en 1962-1963, 25 000 militaires français morts durant la guerre, mais 400 000 morts parmi la population algérienne (chiffres de mémoire).
Mais la hiérarchie des chiffres n’efface pas la question des disparus, c’est-à–dire ni morts, ni vivants. Les murs listant les noms des morts et des disparus ont eu le mérite de relancer les recherches historiques.
Hélène Cohen n’a pas pu tourner en Algérie, l’administration le lui a refusé. On aurait aimé voir par sa caméra ce que sont devenus Bénisaf, leurs maisons et leur commerce, que l’on a vu qu’à travers de vieilles cartes postales, leurs voisins, etc. !
Mais ce qui est passionnant, c’est qu’à l’issue du passage du film sur France Télévision, Hélène Cohen a reçu un grand nombre de messages des habitants de Bénisaf, très chaleureux, l’invitant en Algérie.
On a vu samedi 7 juillet aux 3 Luxembourg
Une belle journée de cinéma.
Commencé avec l’un des films les plus forts de notre programmation, Les Sacrifiés d’Okacha Touita, qui illustre avec une simplicité et une rigueur concises l’affrontement fratricide entre les partisans du MNA et ceux du FLN, ce samedi s’est poursuivi en beauté avec ce qui reste incontestablement le meilleur film de Robert Enrico, La Belle vie (les difficultés du retour à la vie civile), sur un scénario de Maurice Pons que l’on retrouvera dans la soirée dans le costume de « signataire » du Manifeste des 121 ; et puis par deux courts et moyens métrage, dont les titres disent tout, Elles et Algériennes trente ans après
, d’Ahmed Lallem, lequel (hélas, disparu récemment) sera pour beaucoup le cinéaste de notre sélection, ce qu’on pourra encore vérifier ce soir avec Zone interdite.
La journée, enfin, s’est terminée avec Le Refus et Le Manifeste des 121, respectivement de Raymond Mourlon et de Mehdi Lallaoui.
La thématique qui unit ces deux titres est celle de l’opposition à la guerre, des français de métropole. Opposition diverse, venant de couches différentes de la population, pas toujours de là où l’on pouvait l’attendre d’ailleurs, et qui apparaît via ces deux films comme uniquement coordonnée par la lucidité et l’indéfectible humanisme d’une grande partie de la population française.
Parmi les premiers des réfractaires, longuement emprisonné pour avoir refusé de porter le fusil et de faire la guerre aux algériens, ses concitoyens, présent au débat qui suivit (avec Gilles Manceron), Alban Liechti a témoigné de son histoire personnelle, mais aussi des contradictions de son acte, ramené à son environnement militant (cégétiste et communiste), à un moment où les organisations traditionnelles de gauche n’avaient pas encore, loin s’en faut, assumé leur devoir historique.
Le débat fut vif et les positions des uns et des autres souvent confrontées à ce dilemme, entre l’histoire se faisant et leur engagement personnel.
Le Parti Communiste Français s’est ainsi trouvé, pour une large part, au cœur du débat.
Parti anticolonialiste, irréprochable pendant le conflit en Indochine, il a beaucoup et trop tergiversé dans les premières années de la guerre d’Algérie. Les analyses et les causes en sont multiples et ce débat en a été la démonstration.
S’il faut conclure, ce sera en reconnaissant aux deux films de cette fin de journée, d’avoir « fait mouche ». Le cinéma doit réveiller les « âmes » et secouer les consciences. C’est ce qu’il fit hier soir.
Et maintenant bienvenue au Maghreb des films de novembre 2012
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